Dans plusieurs cultures, l'oeil renvoie à une représentation magico-religieuse complexe et se
trouve être le symbole d'une certaine omniscience, voire d'une toute-puissance, ce qui tend à
le sacraliser et à le définir comme un organe indépendant du reste du corps. Mais la vue est
aussi un sens au même titre que l'ouïe ou l'odorat, et elle permet à l'individu d'appréhender la
réalité du monde extérieur. En tant qu'expérience sensible, le « voir » renvoie à un dualisme
nécessaire entre celui qui voit et ce qui est vu, c'est le rapport qui lie le sujet à la chose vue
par lui. En ce sens, voir s'apparenterait à une donation du monde extérieur vers l'intériorité du
sujet par l'intermédiaire de l'oeil. Dès lors, peut-on penser que le fait de voir est une pure
passivité du sujet qui reçoit cette donation ? Dans quelle mesure le verbe voir relève-t-il au
contraire d'une participation active du sujet à l'appréhension de la réalité même ?
Une première analyse du verbe voir peut mener à la conclusion qu'il est synonyme de sentir,
et que dès lors la vision relève d'une simple impression passive du sujet. Toutefois,
l'identification par Descartes du sujet, c'est-à-dire le cogito, tend à valider l'hypothèse qui veut
que l'expérience soit également une expérience de la pensée, et que voir, ce serait déjà juger.
Enfin, l'on peut considérer que l'originalité du sujet fait de « voir » un acte intentionnel
créateur, dans la mesure où c'est une tentative de subjectivation du réel.
[...] La connaissance de l'objet est donc réelle dès lors que celui-ci est intériorisé par la conscience puisque celle-ci, en même temps qu'elle se connaît, connaît l'objet. La sensation semble dès lors relever de trois degrés d'intellection. Le contact ici, visuel entre le sujet et l'objet qui est vu, relève d'abord de l'impression du sujet qui reçoit la pure sensation, lui donne sens dans la mesure où l'expérience sensible devient expérience de la pensée par le fait même que l'existence du sujet soit tributaire de la conscience qu'il a de luimême. L'objet senti est alors perçu, car l'individu en percevant se perçoit lui-même. [...]
[...] Il semble que ce problème se pose avec plus de force pour l'expérience esthétique. La contemplation d'un tableau, et c'est peut-être encore plus le cas avec l'abstrait, fait intervenir plusieurs facteurs qui tiennent directement à la subjectivité du sujet. Le jugement que le sujet construit à partir de la cette contemplation est tributaire d'une réunion d'éléments complexes lors de l'appréhension de ce tableau, et qui peuvent être aussi divers que la familiarité du sujet avec l'abstraction, sa sensibilité à certaines couleurs plutôt qu'à d'autres, ou encore une association qui fait rejaillir d'après le mouvement général de la toile un souvenir précis. [...]
[...] Qu'est ce que voir ? Bibliographie : - La République, Platon - Critique de la raison pure (Introduction et esthétique transcendentale), Kant - Les Méditations métaphysiques, Descartes - Notions abordées : la perception, la chose et l'objet Dans plusieurs cultures, l'oeil renvoie à une représentation magico-religieuse complexe et se trouve être le symbole d'une certaine omniscience, voire d'une toute-puissance, ce qui tend à le sacraliser et à le définit comme un organe indépendant du reste du corps. Mais la vue est aussi un sens au même titre que l'ouïe ou l'odorat, et elle permet à l'individu d'appréhender la réalité du monde extérieur. [...]
[...] En quoi cette subjectivation nécessaire de la réalité. En quoi cette subjectivation peut-elle menace pour la connaissance du monde ? * * * La question de savoir si l'expérience sensible peut être source de connaissance a été en partie élucidée en considérant que, d'après Descartes, voir c'est déjà juger, puisque le sujet participe comme acteur de la perception. Toutefois, l'expérience sensible s'accompagne nécessairement d'une subjectivation qui pourrait faire de voir un acte créateur mué d'une intentionnalité du sujet. Nous l'avons vu, voir est une expérience de la pensée et le sujet, loin d'être passif dans la donation de la chose sensible, participe et renvoie en direction de l'objet le sens que son jugement a construit. [...]
[...] Dès lors, la vision est créatrice, par le fait même de la subjectivation nécessaire du réel. En tant que renouvellement et découverte, la vision peut être comprise au-delà de l'acte interprétatif du jugement, comme une création du sens, voire comme une création de la réalité si l'on considère que cette réalité n'a pas d'existence propre en dehors de l'intervention du sujet au moyen de l'expérience sensible. Plus qu'une participation active, le fait de voir relève et se trouve déterminé par le sujet comme conscience pensante, mais, plus encore, créatrice. [...]
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