L'intitulé du sujet concerne une vie heureuse, laquelle semble la fin recherchée par tous les êtres humains. Mais comment comprendre ces termes ? La vie, loin de désigner le fait de vivre, signifie ici l'existence et l'activité humaines, en tant qu'elles sont orientées par un sens et un projet. L'adjectif heureuse, quant à lui, vient de heur, bonne fortune : il ne signifie pas ici « qui bénéficie d'une chance favorable », mais « qui jouit du bonheur », sens qui paraît posséder dans notre intitulé la primauté. Néanmoins, cette définition est plus ou moins tautologique. Que désigne, en effet, exactement le bonheur ? Cet état de satisfaction complète et de plénitude est distinct, bien entendu, et du plaisir momentané et de la joie qui est passage. Plus profondément, « être heureux » ou « posséder le bonheur » suppose un accord et une harmonie permanents entre les valeurs de l'homme et l'ordre du monde. Être heureux, c'est réaliser cette harmonie et une vie heureuse désigne cet accord entre deux ordres. Dans l'idée de bonheur, il y a donc soit cette notion d'un accord entre l'intérieur et l'extérieur, soit celle d'une harmonie interne. Le sens du sujet est donc le suivant : en quoi consiste l'essence d'une existence réalisant un accord entre les valeurs humaines et l'ordre du réel ? Qu'est-ce que cet accord et cette unité ? Le problème posé par le sujet est celui de savoir si la totale suffisance qui est l'objectif du bonheur est possible. L'homme est-il en mesure d'avoir, en lui-même, les ressources suffisantes pour satisfaire son aspiration à un état de satisfaction complète ?
[...] Ici la vie heureuse désigne cette parfaite maîtrise et cette unité totale de l'homme. Le bonheur, disait Épictète, ne consiste point à acquérir et à jouir. Il consiste à être libre Libre, c'est-à-dire autonome grâce à la raison unifiant l'ordre des pensées. Mais cette idée d'un accord avec soi-même peut prendre une autre signification, esthétique, cette fois-ci, et la vie heureuse désigne alors l'harmonie d'une vie s'organisant de manière belle et durable. L'accord prend ici une résonance esthétique et devient une tâche d'artiste organisant sa vie : Faire du bonheur une valeur esthétique, ce n'est pas en mépriser l'importance, mais c'est, en marge du devoir, en faire un des moyens d'expression et de prise de conscience de l'homme par lui-même. [...]
[...] La jouissance de l'ordre futur n'est qu'une promesse qui, par contraste, conduit à souligner la grisaille du présent. Si l'accord pratique avec le monde ne permet pas de définir une vie heureuse, s'il semble se révéler encore plus illusoire que l'accord avec le divin, où donc trouverons-nous la vie heureuse et comment la définir ? Nous échappera-t-elle indéfiniment ? Soyons donc de plus en plus modestes. L'accord avec Dieu nous échappe : tout comme glisse entre nos mains, tel du sable. L'accord avec le monde historique est une promesse fallacieuse de bonheur. [...]
[...] La vie heureuse est un accord avec le monde. La vie heureuse est un accord et une unité, unité entre l'ordre de l'homme et l'ordre du réel. S'il ne peut plus y avoir unité avec l'ordre divin, ne peut-il y avoir unité avec l'ordre du monde et, tout spécialement, l'ordre historique ? Ici, la rencontre accordée et unifiée de deux mondes semble permettre de fournir, de manière plus modeste, la définition envisagée. Être heureux, pour nous, n'est-ce point soumettre le monde à nos valeurs et le transformer historiquement ? [...]
[...] Qu'est-ce que cet accord et cette unité ? Le problème posé par le sujet est celui de savoir si la totale suffisance qui est l'objectif du bonheur est possible. L'homme est-il en mesure d'avoir, en lui-même, les ressources suffisantes pour satisfaire son aspiration à un état de satisfaction complète ? La vie heureuse est en accord avec le divin. Quelle est l'essence d'une vie heureuse, manifestant un accord entre nous-mêmes et le monde ? Cette totalité stable de satisfaction fut considérée, dans un grand nombre de réflexions classiques, comme une participation à l'ordre divin. [...]
[...] Qu'est-ce qu'une vie heureuse ? Analyse du sujet Devant cet intitulé, le premier travail consiste à conceptualiser. Que signifient les termes du texte ? Vie ne signifie pas déroulement biologique et fait de vivre, mais existence et activité humaine. Cette vie elle-même a plusieurs significations : vie de l'esprit, existence engagée, vie informée par la beauté. L'adjectif heureuse vient de heur la bonne fortune, mais ne signifie pas tant qui bénéficie d'une chance favorable que qui jouit du bonheur C'est donc la notion de bonheur qui prime. [...]
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