Selon l'étymologie latine, traditio signifie « acte de transmettre ». L'idée de tradition est donc nécessairement associée à une idée de transmission, et le nom français insiste d'ailleurs davantage sur le contenu de ce qui est transmis, ne s'en tient pas seulement à l'acte. Cette transmission se fait dans un cadre temporel qui est celui du passé vers le présent. Elle vient du passé mais elle se vit au présent. Il y a l'idée de faire perdurer quelque chose au sein d'un groupe, et ce en raison de la mortalité de l'être humain, qui pour faire perdurer ce qu'il souhaite doit avant tout le transmettre à d'autres. La tradition est donc profondément liée à la notion d'héritage. Hannah Arendt, dans l'introduction de La crise de la culture, cite ainsi une phrase du poète René CHAR: « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament ». Nous verrons plus loin la portée de cette phrase, ce qui nous intéresse ici c'est sa traduction. René CHAR parle ici de la résistance comme héritage et son testament, c'est la tradition.
Ces images nous poussent à nous interroger sur ce qui fait la tradition : que signifie hériter d'une tradition et quel rapport au passé cet héritage implique ? Quelle crise, liée aux événements du XX siècle, a connu ce rôle initial de la tradition ? En quoi la tradition, cette transmission du passé, influence-t-elle l'Histoire qui est le récit des événements du passé et par quel vecteur ?
Ainsi, comment le cadre historique a-t-il structuré les évolutions du concept de « tradition » ?
[...] La coutume peut être flexible, contrairement à la tradition. Les deux notions se distinguent l‘une de l‘autre par la volonté ou non de leur conférer un caractère de perpétuité. Hobsbawm prend l'exemple du juge pour illustrer son propos: la coutume est ce que les juges font, l'acte de juger tandis que la tradition se réfère à l'ensemble des pratiques entourant l'acte comme la robe, qui sont ritualisées. Et la différence entre la tradition et la routine est la charge symbolique de la tradition, c'est une différence entre une fonction idéologique et une fonction technique. [...]
[...] Traverso prend ainsi l'exemple de l'islamisme politique en terre d'Israël qui se trouve associé au fanatisme nazi. On voit que ces phénomènes relèvent pourtant de logiques différentes et que leur association a pour but de diaboliser certains acteurs et de manipuler la pensée des individus, dans le cas présent de Juifs israéliens, pour leur faire adopter une conduite et un mode de pensée spécifique et radical vis-à-vis des Palestiniens. Pour conclure, on peut définir la tradition comme un processus de transmission, initialement vecteur de valeurs socialement acceptées et d'un concept d'autorité, remis en cause par le développement de la science. [...]
[...] Pour résumer, l'Histoire relève du collectif alors que la mémoire s'inscrit dans le particulier. Michel De Certeau associe même l'histoire à la science. Cette idée nous rappelle comment la tradition, au XVIIe siècle, a perdu de son autorité face au développement de la science, et on comprend le lien que l'on peut établir entre mémoire et tradition qui subissent toutes deux l'impact de la science. Enfin, pour reprendre une idée de Nietzsche présentée par Michel Foucault, l'Histoire a pour mission de faire apparaître les discontinuités qui nous traversent alors que la mémoire est employée pour faire œuvre de cohérence et de continuité. [...]
[...] Quelle crise, liée aux événements du XX siècle, a connu ce rôle initial de la tradition? En quoi la tradition, cette transmission du passé, influence-t-elle l'Histoire qui est le récit des événements du passé et par quel vecteur? Ainsi, comment le cadre historique a-t-il structuré les évolutions du concept de tradition Nous verrons tout d'abord que la tradition fut surtout avant la Seconde Guerre mondiale un vecteur d'autorité permettant d'assurer une continuité au sein des sociétés puis comment le choc de la Seconde Guerre mondiale a conduit à la substitution de la tradition par le concept de mémoire et en quoi cette mémoire peut modifier le traitement de l'objet historique. [...]
[...] René CHAR parle ici de la résistance comme héritage et son testament, c'est la tradition. Un testament choisit, nomme, indique, conserve les composantes de l'héritage et guide l'héritier. Autre métaphore citée par Arendt: celle de Kafka: Il y a deux antagonistes: le premier le pousse de derrière, depuis l'origine. Le second barre la route devant lui. Il se bat avec les deux Kafka ne dit pas à qui le il fait référence, on peut penser à l'Homme. En tout cas ce il se retrouve au milieu de deux forces agissant en sens contraires: le passé et le futur. [...]
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