« Les normes sociales sont à inventer et non pas à observer » énonce Canguilhem dans Le normal et le pathologique. Cette remarque pourrait être le credo de « soixante-huitards » égarés dans notre société contemporaine, qui certes affiche la volonté de s'affranchir des normes, mais tend tout de même à s'y raccrocher. De fait, on peut parler d'une obsession de la normalité chez l'individu, et ne pas s'y rattacher est une des angoisses les plus répandue, car on devient par la même minoritaire au sein de la société. « Il n'est pas normal » se laisse-t-on parfois dire, c'est donc bien que le concept de normal existe au moins dans l'esprit du locuteur. Il est ainsi possible et même nécessaire de se demander qu'est-ce qu'un homme normal.
La norme se définit par opposition au pathologique, elle est conforme à l'ordinaire et à la moyenne. Il s'agit d'un critère déterminant un comportement et qu'on utilise pour formuler des jugements de valeur. D'un autre côté la norme peut aussi caractériser ce qui devrait être, ce qui est juste. La confusion entre ces deux approches est par ailleurs mise en avant par Canguilhem. La normalité est quant à elle assimilée à la conformité à ce qui est habituel, soit aux normes sociales ou juridiques. La norme abordée exclusivement sous le jour d'un phénomène majoritaire élimine cependant toute référence à la moralité qui devrait en émaner. Et si finalement l'homme normal ne se voit réduit qu'à une figure moyenne, il est dès lors légitime de se poser la question de la pertinence de sa conceptualisation.
Il convient ainsi d'aborder l'homme normal en tant que point d'ancrage dans une société caractérisée par un changement permanent. Néanmoins, l'écrasement de l'individu résultant de l'obsession de la normalité conduit à une nouvelle approche libératrice de cette dernière. D'aucuns en sont venus à poser une séparation nette entre la normalité et le bonheur. De fait, on peut interpréter la célèbre citation de Jean-Paul Sartre « L'enfer c'est les autres » sous un nouvel angle : l'obsession de la normalité et la volonté de ne pas être différent de son voisin sont ainsi lourds de conséquences dans l'accomplissement personnel de l'individu.
[...] Ne pas être normal est bien souvent synonyme d'exclusion, et dans la société disciplinaire décrite par Foucault, l'école au même titre que l'hôpital et la prison sont des outils au service de la normalisation. Le pouvoir des lois est amoindri face à celui des normes. Dans la société disciplinaire, le corps social est surveillé en permanences, la norme est hiérarchisante et le repérage du pathologique n'en est que plus simple. Le délinquant appartient au domaine du pathologique au même titre que l'individu atteint de démence, et il est du ressort du milieu carcéral de le normaliser. [...]
[...] On comprend donc que les concepts de normal et de normalité sont en permanente remise en cause ou redéfinition dans notre société contemporaine, au sein de laquelle il n'existe plus, pour ainsi dire, une normalité unique. Conclusion La normalité n'est au final qu'une illusion de plus. Certes, sa nécessité a été prouvée, tout réside dans la proportion avec laquelle on abuse de la figure de l'homme normal. Il faut néanmoins se demander si le basculement vers l'excès inverse, c'est-à-dire l'existence de normes personnelles exclusivement, ne conduirait pas à la fin du pacte social et à l'atomisation de la société? Deuxième ouverture-débat : La vidéo surveillance ne fait-elle pas de la caméra le nouveau panoptique ? [...]
[...] Et au-delà, la restriction des libertés individuelles, par la constitution de fichiers, le stockage de données, ne nous amène-t-elle pas vers une nouvelle forme de société disciplinaire telle que Foucault la définit ? Bibliographie - LE BLANC (Guillaume), L'invention de la normalité, in. Esprit, n°284, pages 145 à 164 Paris, mai 2002. - CANGUILHEM (Georges), Le normal et le pathologique, PUF, Paris - REICH (Wilhelm), La révolution sexuelle, Pour une autonomie caractérielle de l'homme, Plon, Paris - FOUCAULT (Michel), Surveiller et punir, Gallimard, Paris - FREUD (Sigmund), Malaise dans la civilisation, PUF, Paris, 1983. [...]
[...] ) Ainsi concernant notre thème de l'homme normal, nombreux sont les appels de philosophes en herbe à vivre notre vie, à n'écouter que nous même, en nous extrayant de ces normes qui nous briment. Au-delà de ce constat, d'aucuns en sont venus à opposer la notion de style à la normalité. Il s'agirait d'un élément qui bouscule la normalité, une touche tout à fait personnelle –qu'elle soit au niveau vestimentaire ou autre, et qui satisfait le sujet qui en est l'auteur. [...]
[...] Et si finalement l'homme normal ne se voit réduit qu'à une figure moyenne, il est dès lors légitime de se poser la question de la pertinence de sa conceptualisation. Il convient ainsi d'aborder l'homme normal en tant que point d'ancrage dans une société caractérisée par un changement permanent. Néanmoins, l'écrasement de l'individu résultant de l'obsession de la normalité conduit à une nouvelle approche libératrice de cette dernière. D'aucuns en sont venus à poser une séparation nette entre la normalité et le bonheur. [...]
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