Dans son ouvrage sur l'éducation ("Emile"), Jean-Jacques Rousseau distingue entre éduquer un homme et former un citoyen. Cette distinction de l'homme et du citoyen se retrouve dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Séparer les deux revient à insister sur deux points qui posent toute une série de problèmes : cela suppose en effet que l'homme puisse se définir indépendamment de sa citoyenneté et de la société à laquelle il appartient, qu'il y ait en quelque sorte une nature humaine ; mais cela suppose alors aussi que l'on puisse envisager de définir l'homme dans sa singularité, qu'on puisse faire « un » homme, comme le précepteur fait de l'enfant un adulte, à partir du caractère propre à un individu, de sa nature individuelle. La question « qu'est-ce que un homme ? » nous interroge donc à la fois sur la possibilité de définir l'homme à partir d'une nature, et sur la possibilité ou la nécessité pour lui de se définir en tant qu'individu singulier et autonome, deux exigences qui peuvent paraître contradictoires.
[...] On peut se demander toutefois si cet universel humain n'est pas une extension de l'idéal d'humanité européen Etre un homme, c'est s'affirmer comme source de ses propres jugements, indépendamment d'une idée universelle et abstraite d'« homme Cette réflexion sur l'idée d'humanité, comme idéal, part donc du constat d'une possible inhumanité de l'homme : les hommes tels qu'ils sont ne sont pas encore conformes à l'idée de ce qu'ils devraient être. Comment vivre en homme dans des sociétés souvent inhumaines ? C'est la question que pose Rousseau dans l'Emile. Apparaît ainsi cette idée décisive que l'individu peut être la source de ses propres valeurs, et les assumer, quel que soit le comportement des autres hommes. [...]
[...] L'homme n'a-t-il pas la responsabilité de se définir lui-même ? La perfectibilité, l'inachèvement de l'homme semble précisément être ce qui le distingue des animaux, distinction qui de ce fait ne permet pas d'établir une fois pour toutes des caractéristiques qui définiraient une essence. Et si l'homme doit se définir lui-même, à partir de quoi sinon de la singularité de chaque individu ? Par conséquent, la question concerne à la fois le champ de l'anthropologie et celui de la morale : on peut définir les critères d'humanité comme le fait Leroi-Gourhan par exemple, mais ses critères semblent ne définir qu'une possibilité d'évolution, c'est ce que nous montrerons dans un premier temps. [...]
[...] DOMENACH Jean-Marie, Approches de la Modernité, Paris, Ellipses HEGEL Georg Friedrich Wilhelm, Philosophie de la nature, Paris, Ladrange KANT Emmanuel, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, Paris, Nathan LEROI-GOURHAN André, Essence et contingence dans la destinée humaine, Paris, Broché MARX Karl, La Question juive, Paris, La Fabrique NIETZSCHE Friedrich, La volonté de puissance, Paris, Gallimard PLATON, Phèdre, Paris, Flammarion ROUSSEAU Jean-Jacques, Emile ou De l'éducation, Paris, Flammarion ZARKA Yves-Charles, Hobbes et la pensée politique moderne, Paris, PUF, Quadrige, 2001. [...]
[...] L'inachèvement de l'homme : difficulté de définir ce qu'est un homme 1. Les hésitations de l'histoire naturelle et les données de la paléontologie Au XVIIIe siècle, l'idée d'une distinction radicale entre l'homme et les bêtes (l'homme a toujours été considéré comme un animal au sens large du terme : le problème est entre l'homme et les bêtes) s'efface au profit d'une différenciation progressive et infinitésimale. La paléontologie introduit l'idée de critères d'humanité, qui marquent l'émergence d'une espèce nouvelle (station verticale, capacité de préhension liée au développement de l'activité technique et du langage, développement de la boîte crânienne). [...]
[...] Construire l'idée d'« humanité : le travail de la culture 1. Le cosmopolitisme comme fondement de l'universel humain contre la différence et la hiérarchie des cultures Dans l'idée de nature humaine, nature peut être entendue comme essence, comme si malgré leur diversité et leur historicité, les hommes possédaient des caractères communs. Cette idée se trouve progressivement remise en question : la nature de l'homme se trouve réduite par Rousseau et Kant à une série de dispositions qu'il appartient à l'homme de développer plus que d'« actualiser L'idée d'homme ne préexiste pas comme une essence, mais se construit petit à petit dans l'histoire des hommes. [...]
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