Etre soi désigne communément être ce que chacun est pour lui-même, c'est-à-dire assumer selon Locke « cette chose pensante, intérieurement convaincue de ses propres actions, qui sent du plaisir et de la douleur, qui est capable de bonheur et de misère et qui par là est intéressée pour soi-même ». D'après Leibniz, « le soi fait l'identité réelle et physique ». De fait, s'interroger sur le soi, c'est s'interroger sur la conscience et la connaissance que l'individu a de son identité, au sens de l'unité de la personnalité dans le temps, et donc plus généralement s'interroger sur l'évolution de la réflexion de l'individu sur sa conscience de constituer un être à part entière, d'avoir une identité propre et singulière. Dans la logique de la modernité, l'individualisme a accordé à l'individu une importance croissante afin de s'affranchir de la totalité d'une société holiste.
Comment dès lors l'individu a-t-il pris conscience de sa singularité et qu'est ce qu'implique être soi dans société individualiste moderne ?
Il s'agit ainsi de voir qu'être soi constitue dans la logique de la modernité une affirmation progressive de la singularité de son identité, mais que le triomphe de l'individu implique de plus en plus de difficultés à être soi, à vivre son intériorité.
[...] L'ère de l'individu. Gallimard 1989. - Renaut, Alain et Ferry, Luc. 68-86, itinéraires de l'individu. Gallimard 1987. [...]
[...] La Réforme prévue par Calvin faisant disparaître l'Eglise comme institution holiste. La naissance de l'individualisme politique dans la naissance de l'Etat et la transformation du droit naturel politique. Le triomphe de l'individu dans la Révolution française avec la loi le Chapelier par exemple qui supprime les corporations et la DDHC qui élève au rang de valeurs suprêmes les implications de l'individualisme : liberté et égalité. Egalité au sens de contraire de hiérarchie et liberté au sens d'indépendance constitutive de la citoyenneté. [...]
[...] Sommes- nous à la fin d'un processus qui verra un retour en arrière s'accomplir ? Ce n'est pas la thèse de Louis Dumont, qui, contrairement à Heidegger, considère la modernité comme le déploiement presque infini de l'individualisme. Heidegger avait déjà montré que les résistances à l'accomplissement de la métaphysique de la subjectivité (Kant et Nietzsche) n'avaient fait qu'amplifier le mouvement d'individualisation, mais Louis Dumont souligna que les résistances anti-individualistes (Herder, Fichte, Marx ou Hegel) en faveur de la renaissance d'une unité et d'un ordre perdu, avaient eu pour conséquences la montée des totalitarismes ( Pour Dumont, revenir au holisme serait factif et dangereux dans le cadre des sociétés modernes car une fois brisée la totalité de la hiérarchie, la volonté d'unité ne pourrait se réintroduire que sous la volonté totalitaire d'annuler l'atomisation du social –parce qu'elle ne trouve plus rien sur quoi s'appuyer, plus aucun consensus. [...]
[...] L'individualisme n'est donc pas dissociable d'une égalisation croissante des individus et être soi c'est aussi être l'égal des autres. A mesure que l'individualisme se développe et que les conditions s'égalisent, il y a de moins en moins d'individus qui peuvent influencer le sort des autres par leur position hiérarchique, et de plus en plus qui se suffisent à eux-mêmes. Sous une société holiste, communautaire, l'individu n'existait que comme membre d'un corps alors que là l'individu devient indépendant. La valeur qui prime sur toute les autres est la singularité de l'être. [...]
[...] Etre soi c'est être un sujet autonome. Heidegger qui s'appuya sur la théorie de Leibniz considéra l'histoire de la modernité comme l'histoire du règne infini du sujet autonome, une réalité immuable en quelque sorte. Pourtant la logique de la modernité semble plus celle de substitution progressive de l'individualité à la subjectivité avec comme corollaire une indépendance et une revendication toujours plus grande de sa différence. L'individualisme démocratique est devenue, avec la fin des cadres de la société, une source toujours plus grande de revendication de sa différence Selon Nietzsche, l'individu cherche dans l'individualisme à s'émanciper, à s'affranchir complètement de la domination de la société par l'Etat ou l'Eglise. [...]
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