Nous sommes modernes, nous nous vivons comme modernes. Nous croyons en la liberté, en l'individualisme, en un individu autonome, indépendant, doté de raison mais aussi en un individu divisé, qui doute. Nous croyons en l'autorité de la science, en la différence entre les faits et les valeurs, nous avons la conscience d'être historiques, nous croyons au temps qui passe plutôt qu'à l'éternel retour cyclique. Nous séparons les choses : l'individu et la communauté politique, la vie privée et la vie publique, la religion et l'Etat, les représentants et les représentés mais nous réunissons également les diversités. Pour finir, nous réfléchissons aux problèmes de notre temps. Voici les traits de la modernité.
Toutefois, il existe différentes façons d'être moderne, différentes conceptions de la modernité.
Il va donc s'agir de s'interroger sur la valeur du dénominateur commun de ces différentes manières d'être moderne c'est-à-dire l'opposition aux Anciens. Comment cette opposition se caractérise-t-elle ? Et en quoi nous permet-elle de donner une définition - plurielle - du moderne ?
[...] Pour Léo Strauss, Machiavel qui est considéré comme le premier Moderne donne congé à la morale. À l'inverse, pour Isaha Berlin, Machiavel renoue avec la cité grecque par référence à une morale collective dans laquelle la qualité d'être humain se confond avec l'appartenance à une collectivité. En posant, comme absolu, la morale de la Cité où l'homme est compris comme membre d'une communauté, Machiavel reste ancien, mais en déplaçant la question de la morale au profit d'une morale politique, en ça il est moderne. [...]
[...] L'individu moderne autorise le gouvernement à agir en son nom. En théorie, l'individu ne se commande qu'à lui-même par l'intermédiaire du gouvernement qui a de nouveaux devoirs comme celui de respecter l'indépendance des individus]. Constant définit alors le système représentatif comme l'organisation à l'aide desquels une nation se décharge sur quelques individus de ce qu'elle ne peut ou ne veut pas faire elle-même. C'est une procuration donnée à certains hommes par la masse du peuple qui exerce une surveillance constante et active de ses représentants. [...]
[...] Les Grecs ont une conception holiste du politique. Ils ont la même conception du Bien, de la communauté. La Modernité, elle, n'offre plus ces garanties : elle ne peut plus s'ancrer dans une transcendance puisque, précisément, elle met l'individu à la place du tout. En fait, ce qui détermine le citoyen antique, c'est sa naissance dans une Cité. Pour les Anciens, la vie politique est par nature, la Cité est naturelle. En effet, la cité athénienne enlève l'homme à la sphère du besoin. [...]
[...] Pourquoi ? parce que l'homme moderne a précisément pour repère ultime, pour norme suprême à l'aune de laquelle il mesure tout, la vie. En effet, À l'époque moderne, la vie est l'ultime point de repère, le souverain bien (Arendt) Or, le travail suit de tout près le processus métabolique de la vie biologique. H. Arendt explique ce renversement moderne qui fait de la vie le souverain bien par le christianisme. Les Anciens méprisaient l'activité de travail c'est-à-dire tout ce qui peut être nécessaire pour soutenir le processus biologique. [...]
[...] Pour le Moderne, la vie politique est donc fondée sur la convention. Enfin, 3e opposition : on peut opposer la liberté des Anciens à celle des Modernes en définissant la première comme plaisir d'action et la seconde comme plaisir de réflexion. En effet, selon Benjamin Constant, la liberté des Anciens consiste en la participation active et constante au pouvoir politique tandis que la liberté des Modernes est synonyme d'indépendance privée. La liberté des Anciens, [qui se caractérise par la participation directe à la chose publique], suppose donc un engagement citoyen à plein temps des membres de la communauté, [une politisation intensive des consciences] et la subordination systématique de l'intérêt privé à la Cité. [...]
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