L'expression « esprit libre », qui pourrait se pourrait comprendre, au premier abord, assez simplement comme qualifiant un original, un anti-conformiste, est en réalité lourde de déterminations historiques et culturelles. Elle se trouve en effet au carrefour de plusieurs représentations qui se présentent comme autant de clés de compréhension de l'être au monde dans sa dimension sociale. Tantôt un libertin, tantôt un contestataire, l'esprit libre semble être d'abord celui qui se démarque, qui fait exception, déployant un rapport conflictuel avec le normatif, voire avec la loi. Un esprit libre qualifierait alors une personne qui se construirait en premier lieu contre quelque chose : des valeurs, une morale, un groupe, un événement. En ce sens, esprit libre tend à se confondre avec esprit frondeur, prenant alors une dimension de légèreté, si bien que cette expression renverrait à une sorte de stéréotype de l'imaginaire collectif, un type social, qui semble parfaitement s'incarner dans la figure donjuanesque. Mais « esprit », dans une seconde acception à caractère théologique, signifie aussi souffle vital, ou encore, dans le vocabulaire de la chimie, une substance liquide volatile obtenue par distillation. Le mot « esprit » suggère donc une sorte d'immatérialité, d'évanescence, c'est-à-dire avant tout un antonyme au mot corps. Parler « d'esprit libre » revient dès lors à interroger le dualisme que sous-tend cette expression : l'esprit libre est-il celui qui se construit contre le corps, dans un rapport d'affrontement ? Ce dualisme est-il compatible avec l'idée même de liberté, qui, et c'est là tout le paradoxe, renverrait plutôt à une profonde unicité de l'être au monde en tant qu'il est conscient de lui-même dans sa totalité ?
Ce sont ces représentations qu'il va falloir interroger. Un esprit libre semble bien être celui qui se construit à rebours de plusieurs déterminations, qu'elles soient d'ordre identitaire, dans le rapport à la communauté, ou qu'elles relèvent d'une dichotomie entre la raison et les penchants sensibles qui seraient conçus comme autant d'obstacles à la libération ? De plus, la notion d'esprit libre suggère une certaine forme de solipsisme, qui plus que la simple autonomie ou l'indépendance effective, serait appréhendée comme un isolement, c'est-à-dire un égocentrisme radical du moi. Or réside peut-être ici le point le plus crucial du problème, à savoir la possibilité ou non de concevoir une liberté du moi au sens fort, c'est-à-dire hors de l'altérité. Le projet donc serait de donner à cette expression désormais convenue tout son sens.
[...] Un esprit libre n'est pas solipsiste, parler de liberté n'a a priori de sens que dans le contexte de l'altérité. L'esprit libre serait alors celui qui se construirait non pas contre, mais avec, perpétuellement. Un esprit n'est libre qu'en tant qu'il se manifeste comme tel, c'est-à-dire qu'il se donne à voir à autrui, non pas dans une forme d'exhibition subversivement et gratuitement non conformiste, mais dans une forme d'étrangeté féconde, de créativité qui invite autrui au décentrement, c'est-à-dire au travestissement éphémère. Un esprit libre serait peut-être radicalement celui qui parviendrait à se faire autre. [...]
[...] Contre ce qui est figé Peut-être d'abord une sortie hors de soi ? Un décentrement ? Une mise en péril en réalité. C'est pour ça que lecture intéressante que Simone de Beauvoir fait de Sade, dans Faut-il brûler Sade. D'une question rhétorique à une question centrale de la philosophie : extirper Sade de son carcan libertin et polémique, c'est-à-dire de sa représentation commune, pour lui donner sa portée réelle : une mise en péril de la philosophie, c'est-à-dire de la pensée. [...]
[...] Impasse au sens où solipsisme : vivre à soi, que pour soi, une sorte de drame du libertin. Kierkegaard, Journal du Séducteur, angoisse du jouisseur, à comparer avec Faust dans le drame de Goethe. Pour reprendre le cas du narrateur du Journal du séducteur, l'angoisse de la répétition. La rupture des liens, la volonté de nier, envers et contre tout, réseau d'appartenance, dans une sorte d'absolu de la liberté. Mais un souci avec la volonté d'absolu : une méconnaissance de soi, non pas une surestimation, mais une mésentente sur ce que je peux dans le monde. [...]
[...] Qu'est-ce qu'un esprit libre? L'expression esprit libre qui pourrait se comprendre, au premier abord, assez simplement comme qualifiant un original, un anticonformiste est en réalité lourde de déterminations historiques et culturelles. Elle se trouve en effet au carrefour de plusieurs représentations qui se présentent comme autant de clés de compréhension de l'être au monde dans sa dimension sociale. Tantôt un libertin, tantôt un contestataire, l'esprit libre semble être d'abord celui qui se démarque, qui fait exception, déployant un rapport conflictuel avec le normatif, voire avec la loi. [...]
[...] Esprit libre = esprit fort. Pourquoi ? Contre l'évanescence du souffle, permanence et stabilité, développement d'un rapport agonistique de soi-même avec soi-même, c'est-à-dire de combat, construction d'une pratique de la liberté. Histoire de la sexualité, Foucault. L'usage des plaisirs. - pas une morale mais une éthique : c'est-à-dire des principes qui valent pour moi tout seul, et non pas valeurs absolues. - pratique de soi : rapport réglé à soi-même, sauf qu'Antiquité n'envisage pas de la même manière le concept de volonté. [...]
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