Esclave, esclavage, esclavage est inhumain, privation absurde d'un droit naturel, homme libre
Spontanément, l'esclave est considéré comme un individu dominé par un autre, subissant des conditions de travail dégradantes, sans rémunération d'aucune sorte. Mais cette définition contient un présupposé idéologique, à l'endroit où l'on parle d'un individu, c'est-à-dire d'un être humain relativement indépendant vis-à-vis de son milieu social ou professionnel, disposant du libre arbitre et, partant, de lui-même. La condition d'esclave est donc conçue comme intrinsèquement illégitime, contraire à l'idée même de droit, qui suppose une égalité de statut entre ceux qui contractent un pacte juridique.
Cette définition fait appel à la thèse sous-jacente de l'égalité de droit entre tous les hommes. Pourtant, il est manifeste que la condition humaine n'est pas homogène, a minima du point de vue économique : dans le Manifeste du Parti Communiste, Karl Marx souligne son hétérogénéité de fait, partagée entre exploitants et exploités. Aristote va encore plus loin dans Les politiques, puisqu'il fonde cette distinction en droit (naturel), faisant de l'esclave une des conditions matérielles dont dépend l'existence même des hommes libres, en ce qu'il leur permet de se protéger des besoins quotidiens et corporels, qui induisent la nécessité de travailler, à laquelle seul l'esclave se soumet ; partant, l'esclave est alors une part effective de la noblesse de l'homme en tant qu'homme libre. Il est une condition de son actualisation.
[...] L'argument de l'économie domestique : 1. L'homme est un animal politique : il s'assemble naturellement en communautés, dont la plus grande et la plus parfaite est la cité (Pol., I 1252-b, Or toute communauté s'assemble en vue d'un certain bien (Pol., I 1252a), qui est le degré d'autarcie qui lui correspond (Pol., I Or la famille est une communauté (intermédiaire entre l'individu et la cité). Elle opère donc aussi par l'art de l'acquisition : notamment des denrées nécessaires à la vie bonne), et l'esclave est un outil animé utile à l'activation des biens de productions. [...]
[...] Enfin, dans un ordre un peu plus pratique, nous étudierons des cas où des hommes sont effectivement traités comme des moyens, mis au service de leur propre fin, et nous nous demanderons s'ils constituent des cas avérés d'esclavage. I. La conception Antique de l'esclave : on considère l'esclavage comme condition avant l'esclave lui-même, et on se demande donc ce qu'est un esclave plutôt que de s'interroger sur ce qu'est un homme réduit en esclavage. a. L'esclavage est nécessaire à l'humanité. L'esclavage est donc défini politiquement, c'est-à-dire dans son rapport au statut d'homme libre. [...]
[...] Toutefois, si l'on considère que l'homme est à la fois corps et âme, ou du moins qu'il peut soumettre son corps, par sa volonté, c'est qu'en un certain sens, l'homme peut réduire une partie de lui-même à l'esclavage, par exemple dans la situation où la fin qu'il désire exige des efforts extraordinaires. Il reste alors à envisager le cas où l'homme devient son propre esclave. Quelles sont les conditions de cet auto-asservissement ? Est-il souhaitable ? Peut-il, en un certain sens, venir de l'extérieur, comme dans le cas d'un employé surmené ? Autrement dit, peut-on être esclave malgré soi ? [...]
[...] Donc l'esclavage accepté est un agir de l'homme, mais un agir inhumain. c. L'esclavage est une privation absurde d'un droit naturel i. L'homme est un être rationnel qui a en propre d'agir pour une fin Ia, IIae, q.1, art.1, Concl.), qu'il dispose du libre arbitre ; autrement dit, il est dans sa nature de pouvoir de choisir sa fin et de se diriger vers elle par la volonté. Mais il ne peut pas être privé de fait de son libre arbitre, c'est-à-dire mettre sa volonté au service d'une fin autre que celle qu'il désire, sauf par coïncidence. [...]
[...] Quand bien même il serait accepté par l'esclave, l'esclavage demeure inhumain. i. L'homme dispose d'une volonté propre, guidée par la raison (qui ensemble lui donnent le libre arbitre. C'est ce qui le distingue des êtres inanimés ou sans connaissance, comme un cerf, qui n'est pas libre de choisir ou non de manger sa nourriture, car il ne peut pas délibérer devant elle, mais se contente de l'ingérer parce qu'il l'identifie comme une fin vise à le sustenter). ii. Donc un acte proprement humain, c'est un acte volontaire. [...]
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