Dans ce chapitre, Heidegger utilise une parole empruntée à un poème tardif de Hölderlin, poète allemand, dont il est grand lecteur, « …l'homme habite en poète … ».
Heidegger, avant tout se pose la question du vocabulaire, afin de bien comprendre de quoi on parle. En effet, si l'on ne précise pas, de quel aspect, de quel concept on parle, au sujet de termes aussi complexes que poésie ou habitation, on ne peut mener une discussion sérieuse et rigoureuse. En effet si nous ne précisons pas et prenons un sens général pour ces mots, la phrase d'Hölderlin est incohérente, improbable : Comment tout homme, et d'une façon permanente pourrait-il habiter en poète ? De plus, toute habitation n'est-elle pas incompatible avec la manière des poètes ? La crise du logement, la façon d'habiter, bousculée par le travail instable et la course au succès sont, on le voit bien totalement à l'opposé de la poésie.
La manière des poètes, ne pas voir la réalité, rêver au lieu d'agir, est bien sûr, incompatible avec les conditions sociales et historiques auxquelles la vie des hommes est soumise. Ces dernières empêchent l'habitation d'être poésie et poétique, si nous considérons comme habitation le simple logement, et comme poésie la simple littérature.
Mais si nous pensons l'habitation et la poésie, dans leur être même, on peut peut-être dire que les deux ne sont pas inconciliables.
Si pour habitation, nous entendons l'existence de l'homme, c'est-à-dire, le trait fondamental de la condition humaine, et si pour poésie, nous entendons le « bâtir » de l'habitation, c'est-à-dire, ce qui fait de l'habitation, une habitation, on peut supposer que l'une et l'autre se supportent mutuellement. L'habitation repose dans la poésie.
[...] Certes, habiter est le trait fondamental de la condition humaine. Mais je me suis posé la question, habiter, oui, mais comment ? Que veut dire habiter sur cette Terre ? De plus, la conclusion, laisse présager que l'on peut apprendre à habiter. Comment alors, doit-on faire pour apprendre ? Est-ce un apprentissage théorique, expérimental ? Comment être sûr de bien apprendre à habiter ? Comment être sûr de savoir bien habiter ? [...]
[...] Certes, elle ne voit pas. Pourtant, on ne peut pas dire qu'elle est aveugle, puisque cela n'est pas normal qu'elle voie ! On dira qu'un homme est aveugle, car il est dans sa nature de voir. Il en est alors de même pour l'habitation. Pourquoi alors habitons-nous sans aucune poésie ? Certainement par un excès de mesures, une fureur de mesure et de calcul qui ne laisserait pas la place à la vie, aux sens. Pour revenir à une habitation poétique, il ne faut pas perdre de vue de qui est poétique, c'est-à-dire, s'ouvrir au monde, s'ouvrir l'esprit. [...]
[...] En effet, l'homme déploie son être en tant que mortel. Seul l'homme meurt, continuellement, aussi longtemps qu'il séjourne que la terre, c'est-à-dire, aussi longtemps qu'il habite. Mais cela a été évoqué précédemment, l'habitation réside dans la poésie. Ce qui peut paraître troublant, c'est la légitimité de la mesure. Effectivement, d'ordinaire, on se mesure à quelque chose de connu. Or Dieu est inconnu, mais est tout de même mesure. En réalité, c'est l'apparition de Dieu qui est la mesure. Mesure étalon de toute pensée, de toute réflexion, mais mesure étrange, troublante. [...]
[...] La poésie est cette prise de la mesure, à savoir pour l'habitation de l'homme Habitation et poésie, solidaires l'une de l'autre Habiter, on a pu le voir précédemment, n'a lieu réellement que lorsque la poésie apparaît et déploie son être, c'est-à-dire comme la prise de mesure de toute mensuration, mesure ménageante proprement dite. C'est la poésie qui, en tout premier lieu amène l'habitation de l'homme à son essence. On constate alors que l'habitation et la poésie sont solidaires l'une de l'autre et ne peuvent aller séparément. Pourtant, nous habitons dans notre quotidien sans aucune poésie. [...]
[...] L'habitation de l'homme repose dans cette mesure aménageante qui regarde vers le haut, dans cette mesure de la Dimension où le ciel, aussi bien que la terre a sa place. La mesure aménageante de l'être humain, rapporté à la Dimension qui lui est mesurée conduit l'habitation à sa structure fondamentale. La mesure aménageante de la Dimension est l'élément où l'habitation humaine trouve sa garantie, c'est-à-dire ce par quoi elle dure. Cette mesure est la poésie de l'habitation. Être poète, c'est mesuré. La Dimension et la poésie La poésie est la prise de la mesure. [...]
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