Faire une erreur, ce serait se méprendre, avoir l'illusion d'une chose. Il y aurait dans l'erreur quelque chose de négatif : je fais une erreur, j'en suis tout à fait l'auteur, et cela agit pourtant contre moi. Il y a, semble-t-il, toujours la possibilité de faire une erreur. On pourrait se mystifier sur tout, s'éloigner de ce qui est vrai, de son propre fait, en de nombreuses occasions. C'est au sein même de notre esprit, de notre réflexion que se produit l'erreur. Nous la méconnaissons, nous avons l'illusion qu'il n'y a justement pas d'erreur, et nous disons pourtant "faire une erreur". Je suis l'auteur de ce qui m'échappe, de ce qui me trompe. Il y a, en apparence, quelque chose de très négatif dans l'erreur, dans le fait de se tromper. Pourtant, le terme d'erreur n'est pas celui de faute : on excuse déjà l'erreur, comme s'il ne pouvait pas en être autrement, comme si l'erreur ne pouvait être évitée, comme si c'était une chose commune (...)
Sommaire
Introduction
I) Impossibilité apparente d'échapper à l'erreur et implications (morales)
II) A quelles conditions peut-on expliquer l'erreur et s'en prémunir ?
III) Possibilité d'éviter l'erreur, toutefois les conditions d'une "affirmation" au sens cartésien sont restreintes. A partir de là, quel rapport entretenir à l'erreur ?
Conclusion
[...] L'affirmation, puisque nous avons vu qu'elle ne peut être clairement justifiée, qu'elle relève plus de la croyance que de la certitude, ressemble à un pari : cela apparaît comme vrai, je le tiens pour vrai. Ce peut être faux. Mais s'il n'y a plus d'affirmation, il n'y a plus de possibilité de raisonner. Raisonner consiste à construire un champ d'idées, d'affirmations : elles découlent les unes des autres. Je ne peux affirmer B si je ne tiens pas A pour vrai. Dans la perspective plus large du raisonnement, préférer la suspension du jugement à la possibilité de l'erreur dans l'affirmation, c'est ne plus pouvoir raisonner. [...]
[...] Il découle de cette affirmation que le savoir réside dans nos sensations. Cependant, les sensations sont propres à chacun. Il est difficile d'affirmer que ce que chacun ressent est nécessairement vrai. Socrate fait remarquer que, dormant, nous nous sentons éveillés, fous, nous pourrions nous sentir rois. Ce n'est pourtant pas vrai. Nous pouvons être convaincus qu'une chose est vraie sans qu'elle le soit. Nous avons alors de fausses opinions, c'est dans ce cas que nous pouvons parler d'erreur. B. On remarque ici que l'erreur ne se connaît pas. [...]
[...] Notre capacité à connaître est finie. Ainsi, on peut trouver des raisons très vraisemblables, cependant la certitude n'est pas à notre portée. On ne peut jamais être absolument certain, on ne peut pas être certain d'être exhaustif. On croit toujours plus que c'est vrai, qu'on ne le sait par les raisons que nous mobilisons. III. Percevant la possibilité d'une alternative à notre pensée, à notre réflexion, et sachant quand et comment nous sommes susceptibles de faire une erreur, il apparaît possible d'éviter l'erreur. [...]
[...] Si pour affirmer une chose vraie, pour penser une chose vraie, il y a des conditions (celle de l'adéquation à l'idée du vrai), alors il y en a pour l'erreur. Faire une erreur, c'est être à distance des critères du vrai. C'est, en négatif, ne pas avoir penser d'une façon juste, vraie. Le fait de ne pas saisir que nous nous trouvons dans l'erreur nous conduit à penser qu'il est impossible d'y échapper. Si nous ne sommes pas en mesure d'éviter l'erreur, si nous ne sommes pas capables de nous en prémunir, il ne peut être question de condamner une erreur. [...]
[...] Comment serait-il possible d'expliquer une situation qui n'a pas conscience d'elle-même ? Mon esprit a formulé une affirmation fausse, mais il ne le sait pas. Il semble y avoir quelque chose d'accidentel ici. Je ne contrôle apparemment pas l'erreur. Je ne peux pas m'en prémunir si je ne sais pas quand je suis dans l'erreur. On ne peut d'ailleurs pas dire je me trompe au présent. Si je le sais, je ne me trompe déjà plus, tout du moins, je ne me trompe plus de la même façon que je me trompais. [...]
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