C'est une évidence : ce que nous vivons tous les jours nous amène le plus souvent à considérer le monde de telle ou telle manière. Que ce soit au sens du vécu quotidien, en tant que savoir accumulé au fil du temps, ou au sens scientifique du terme, c'est-à-dire l'expérimentation (essai organisé afin de vérifier une hypothèse), l'expérience permet donc, grâce à nos perceptions, d'appréhender le réel. Il est donc nécessaire d'évaluer le rapport entre expérience, réel et apprentissage.
La question se pose alors : l'expérience peut-elle nous instruire ? Si oui comment, et quel savoir nous livre-t-elle ? Autrement dit, quel enseignement peut-on recevoir de l'expérience ?
Il convient pour répondre à ces interrogations de nous intéresser dans un premier temps à ce que nous pouvons retirer comme savoir de l'expérience. Toutefois n'y a-t-il pas des limites à cet enseignement ? Nous verrons donc en quoi l'on peut dire que l'expérience ne livre pas de véritables connaissances. Enfin il nous faudra nous interroger, par-delà les simples points de vue selon lesquels l'expérience nous instruit ou ne nous instruit pas, sur la complexité du rapport entre le réel et l'expérience que l'on peut en faire. Ce rapport permet-il de concevoir une vision du monde ?
[...] On voit donc que l'homme peut tout à fait recevoir un enseignement issu de son expérience. Cependant ne peut-on pas dire qu'il existe des limites à cet apprentissage exclusivement expérimental ? L'empirisme que nous venons d'étudier en tant que source de savoir pour l'homme peut en effet se définir par opposition radicale au rationalisme, théorie selon laquelle la seule connaissance possible est celle issue de la raison, de l'entendement, et non du sensible. Nous allons donc maintenant voir en quoi l'expérience ne peut délivrer un enseignement complet et fiable. [...]
[...] Pour Locke, les idées naissent donc de l'expérience sensible. Ainsi, l'enfant ne sait rien quand il naît, mais il apprend au fur et à mesure au moyen de l'expérience, ce qui prouve que l'homme forme ses connaissances peu à peu. Hume s'interrogea également à la suite de Locke sur le fondement et la valeur des connaissances. Reprenant la pensée de Locke il affirme alors que l'expérience est l'unique source de notre savoir. Dans Enquête sur l'entendement humain, Hume s'interroge également sur le rapport entre l'expérience et la réalité des choses, autrement dit la causalité entre les faits (rapport cause-effet) et il en conclut que la causalité n'est pas une loi de la nature puisque l'on ne peut étudier l'ensemble des phénomènes, mais plutôt l'effet d'une habitude liée à nos expériences. [...]
[...] Ces réflexions nous ont amenés à découvrir qu'il existe bien un rapport entre expérience et enseignement, mais un rapport complexe. Il convient donc bien, afin d'étudier ce rapport, d'opérer la distinction entre expérience sensible commune, qui le plus souvent ne nous apporte rien de fiable concernant le monde environnant, et expérimentation. L'expérimentation, qui se rapporte à la science, est ainsi une forme particulière d'expérience qui permet de faire le lien entre raison et sensibilité, et qui peut alors nous instruire vraiment. [...]
[...] Nous avons vu que d'un côté l'expérience constitue un moyen de connaissance, mais que de l'autre on ne peut recevoir de la seule expérience un enseignement digne de ce nom. N'y a-t-il pas plutôt un moyen de tirer quelque chose de l'expérience, ou encore une complémentarité entre théorie et expérience qui pourraient nous apprendre quelque chose ? Dans un premier temps, nous pouvons remarquer que l'empirisme de Locke et Hume que nous avons préalablement évoqué conduisait à penser la causalité entre les faits comme une seule habitude mentale de répétition des phénomènes les plus courants. [...]
[...] Il y aurait donc opposition radicale, incompatibilité entre l'expérience sensible et l'exercice de la raison par les hommes. Mais il existe une autre manière de penser le rapport de l'expérience au réel, ce point de vue est affirmé par le philosophe Kant selon qui dans la Critique de la Raison pure l'expérience est un mode de connaissance qui exige le concours de l'entendement L'« a priori c'est-à-dire l'appréhension du réel par concepts purs a donc besoin de l'expérience sensible pour être vérifié. [...]
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