Il convient pour répondre à ces interrogations de nous intéresser dans un premier temps à ce que nous pouvons retirer comme savoir de l'expérience. Toutefois n'y a-t-il pas des limites à cet enseignement ? Nous verrons donc en quoi l'on peut dire que l'expérience ne livre pas de véritables connaissances. Enfin il nous faudra nous interroger, par-delà les simples points de vue selon lesquels l'expérience nous instruit ou ne nous instruit pas, sur la complexité du rapport entre le réel et l'expérience que l'on peut en faire. Ce rapport permet-il de concevoir une vision du monde ? (...)
[...] Pour Locke, les idées naissent donc de l'expérience sensible. Ainsi l'enfant ne sait rien quand il naît, mais il apprend au fur et à mesure au moyen de l'expérience, ce qui prouve que l'homme forme ses connaissances peu à peu. Hume s'interrogea également à la suite de Locke sur le fondement et la valeur des connaissances. Reprenant la pensée de Locke il affirme alors que l'expérience est l'unique source de notre savoir. Dans Enquête sur l'entendement humain, Hume s'interroge également sur le rapport entre l'expérience et la réalité des choses, autrement dit la causalité entre les faits (rapport cause-effet) et il en conclut que la causalité n'est pas une loi de la nature puisque l'on ne peut étudier l'ensemble des phénomènes, mais plutôt l'effet d'une habitude liée à nos expériences. [...]
[...] L'expérience sensible est donc source de l'opinion, pensée immédiate, qui nous détourne de la vérité. Ainsi dans son dialogue La République, Platon montre à travers l'Allégorie de la Caverne que les hommes dont il conçoit la vie comme enfermés, enchaînés dans une caverne, ne voient que les ombres des objets réels et non la vérité du monde tel qu'il est en pleine lumière. De la même manière ne peut-on pas constater que l'expérience que l'on croit faire est en réalité construite par le sujet qui observe ? [...]
[...] Kant montre ainsi qu'il y a une synthèse qui s'opère entre la diversité de nos sensations : la raison unifie les perceptions du réel par le sujet. Son œuvre rend compte à l'esprit humain des phénomènes, au-delà de la simple expérience, mais les deux sont nécessaires. Ainsi une sensibilité sans entendement ne serait qu'un chaos de perceptions, et un entendement sans sensibilité ne trouverait rien à quoi s'appliquer. Il y a donc bien complémentarité entre entendement et sensibilité chez les humains. [...]
[...] Nous avons vu que d'un côté l'expérience constitue un moyen de connaissance, mais que de l'autre on ne peut recevoir de la seule expérience un enseignement digne de ce nom. N'y a-t-il pas plutôt un moyen de tirer quelque chose de l'expérience, ou encore une complémentarité entre théorie et expérience qui pourrait nous apprendre quelque chose ? Dans un premier temps nous pouvons remarquer que l'empirisme de Locke et Hume que nous avons préalablement évoqué conduisait à penser la causalité entre les faits comme une seule habitude mentale de répétition des phénomènes les plus courants. [...]
[...] Nous pouvons également concevoir les limites de l'enseignement que pourrait livrer l'expérience par le fait que l'expérience sensible et immédiate que l'on fait des choses ne relève pas de la pensée. Ainsi le rationalisme s'oppose totalement à l'empirisme. Les opinions que l'on a après avoir perçu le réel de telle ou telle manière par nos sens n'impliquent en effet jamais la raison : on n'a parfois pas besoin de la pensée pour agir et percevoir. Selon Descartes, rationaliste, l'expérience peut ainsi servir à enseigner quelque chose aux animaux qui ne sont pas doués de raison, c'est-à-dire qui n'ont pas la faculté de penser, de réfléchir à leurs actes. [...]
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