Ennui, philosophie, Pascal, péché d'acédie, oisiveté, paresse, pensée philosophique, valeur morale, divertissement
La pensée philosophique, comme aussi la littérature, ont attendu longtemps avant de s'intéresser à l'ennui. Cette expérience humaine essentielle ne retenait pas l'attention des Anciens, car considérée comme trop négative, et sans doute aussi trop stérile. Les idéaux antiques, vie heureuse ou sagesse, excluaient qu'on accorde à l'expérience de l'ennui une valeur morale ou philosophique quelconque. C'est avec l'anthropologie chrétienne, notamment janséniste, et sa valorisation de l'appartenance au temps comme signe de finitude qu'apparaît le souci de donner à l'ennui sa place dans la condition humaine. Le péché d' « acédie », d'oisiveté et de paresse s'en rapproche. Pascal en fait un aspect de la « misère » de l'homme, prompt à chercher à la fuir dans le « divertissement ». Faut-il y voir un problème ? Faut-il lui refuser toute valeur positive ?
[...] Les idéaux antiques, vie heureuse ou sagesse, excluaient qu'on accorde à l'expérience de l'ennui une valeur morale ou philosophique quelconque. C'est avec l'anthropologie chrétienne, notamment janséniste, et sa valorisation de l'appartenance au temps comme signe de finitude qu'apparaît le souci de donner à l'ennui sa place dans la condition humaine. Le péché d' acédie d'oisiveté et de paresse s'en rapproche. Pascal en fait un aspect de la misère de l'homme, prompt à chercher à la fuir dans le divertissement Faut-il y voir un problème ? Faut-il lui refuser toute valeur positive ? [...]
[...] L'existentialisme non-religieux, comme celui de Heidegger et de Camus, lui réserve un statut plus ambigu : c'est une expérience de déchéance qui crée un appel de sens et d'authenticité, la condition d'une question, celle de l'Être pour Heidegger, qui ne pourrait pas être atteinte sans lui. Il ne pourrait pas y avoir de vie résolue sans ennui ni sans doute de question métaphysique telle que Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ? qui suppose une mise à distance universelle du monde, dont l'ennui est le point de départ plutôt que le point d'arrivée. [...]
[...] Agir, c'est investir la durée d'un sens, même fragile ou provisoire, qui nous porte à réaliser quelque chose dans le temps et nous dispense de ressentir son écoulement sous la forme d'intervalles homogènes. On ne ressent cet écoulement (sans pour autant le mesurer) que lorsque le temps se trouve de façon plus ou moins provisoire vidé de ce sens, ce qui est précisément le cas de l'ennui. On peut donc le définir, au-delà de toute psychologie, comme l'expérience de la perte du sens de la durée. L'hypersensibilité aux intervalles qui scandent son écoulement de celle-ci n'est en réalité que la conséquence de cette perte plutôt que sa cause. [...]
[...] L'ennui d'inaction forcée résulte de façon tout à fait provisoire et ramassée dans le temps d'une situation d'attente forcée, d'un échec de l'action. On l'oublie dès que le sens de celle-ci se trouve restauré. C'est alors un ennui provisoire, un ennui de situation et non de condition. Mais il peut exister des formes beaucoup plus vastes et comme universelles d'ennui, qui nous autorise à parler de vivre ou d'ennui existentiel, prêt à basculer dans l'angoisse, et auquel l'action n'apporte aucun remède. [...]
[...] L'ennui devient une sorte de mort dans la vie car privé de tout rapport au possible. Il existe une indiscutable proximité entre ennui et angoisse. En termes heideggeriens, l'angoisse est angoisse d'être là, elle est inscrite dans l'appartenance à l'espace. Il faudrait dire que l'ennui en revanche s'ennuie d'être un pur présente et rien d'autre. Les grands héros littéraires, romantiques ou post-romantiques illustrent assez bien cet ennuie. Le spleen baudelairien (et ses longs ennuis) est la situation de celui qui considère que le temps ne va lui offrir aucune possibilité nouvelle d'expérience. [...]
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