Il n'existe aucune connaissance qui ne naisse d'un procédé argumentatif précis qui la détermine. Connaître est le résultat d'une argumentation rigoureuse opérée par la pensée. Quel est alors le lien entre connaissance et pensée, quel parcours cette dernière doit-elle entreprendre afin d'accéder à une connaissance complète et correcte ?
Il s'agit ici d'analyser qu'est-ce que concevoir ce qui distingue. Penser est avant tout concevoir une idée, l'élaborer, mais indique également l'activité de réflexion. Réfléchir présente tout de même un lien étroit avec l'objet auquel l'activité se réfère, ce qui n'est pas le cas de penser. Il nous est possible de penser sans nous rapporter à un objet précis, il nous est en revanche impossible de ne pas réfléchir à quelque chose. L'activité de penser est donc une faculté de portée bien plus large.
Les différences, elles, se définissent comme celles qui distinguent, qui séparent. Mais, ici aussi, il faut être attentif à ne pas confondre. Ce qui distingue n'est pas par exemple tout à fait semblable à ce qui diffère : distinguer correspond à rendre particulier et reconnaissable tandis que différencier souligne l'acte de séparation.
Penser les différences est alors une simple conception de distinctions ? Quelle est l'importance de penser les différences ?
[...] Dans sa certitude subjective immédiate, la pensée rejette toute contradiction sans tenir compte du fait qu'elle se contredit en passant d'une pensée à l'autre, que son discours concret, son existence d'être parlant non seulement suppose des énoncés contradictoires mais exige de prendre la mesure de cette contradiction originelle dont la philosophie n'est que le déploiement. La connaissance ne peut être que le résultat obtenu par un esprit attentif qui évite les amalgames maladroits. L'esprit peu attentif pensera par exemple avoir une vision claire et distincte d'une douleur. Mais peut-il établir distinctement d'où la douleur s'origine ? Il pourrait sans doute avoir une vision claire de la douleur qu'il ressent mais sera incapable d'en comprendre la nature. La connaissance est donc un ensemble de perceptions claires et distinctes d'un objet. [...]
[...] Et encore, si l'on analysait les caractéristiques des langues en oubliant de penser les différences, on tomberait dans le paradoxe hyperbolique selon lequel chaque langue utiliserait le même mot pour identifier le même concept ou objet et, enfin, on pourrait se laisser tenter de penser qu'un italophone du XX siècle n'hésiterait pas à s'exprimer comme Dante le faisait sept siècles plus tôt. Il est donc tout à fait évident qu'il n'est pas possible d'aborder ce genre d'analyse sans penser les différences. Comment pourrait-on par exemple saisir complètement le sens d'un mot si nous n'étions pas capables de le différencier de ses synonymes ? Comment interpréter le verbe pardonner si nous n'étions pas capables de le distinguer de renoncer à punir, d'excuser ? [...]
[...] Il est évident que pour saisir l'idée d'orange il faut être capables de souligner qu'il naît du mélange de différentes couleurs : le rouge magenta et le jaune primaire. Et encore, toute couleur dérive de mélanges des couleurs primaires, sans lesquelles elles n'existeraient pas. On voit ainsi aisément l'importance de concevoir les différences dans un domaine plus large, mais, peut-on se priver de le faire ? La connaissance pourrait-elle être complète si elle ne s'appuyait pas sur les différences ? [...]
[...] Cette loi impose qu'un objet considéré ne puisse être que lui-même mais qu'en même temps il ne puisse pas être un autre objet Pouvoir le distinguer d'un autre objet a donc une importance capitale, ne le faisant pas l'objet perdrait tout simplement son essence et nous ne pourrions pas l'identifier. L'essence de l'objet considéré repose sur sa différence par rapport aux autres objets. Penser les différences a donc ici toute son importance. Les penser ne permet pas seulement à l'objet de pensée d'acquérir leur essence mais aussi de comprendre de façon complète la réalité qui nous entoure. C'est en pensant les différences que l'esprit se réalise en concevant correctement la réalité. Il ne reste plus qu'à présenter l'essentialité de ce concept dans le procédé philosophique. [...]
[...] Nous avons donc souligné l'inutilité de concevoir les ressemblances en matière de connaissance et avons, en revanche, montré toute l'importance de concevoir les différences afin de pouvoir connaître de manière complète et correcte le réel. L'enjeu de penser les différences se trouve donc dans le concevoir correctement la réalité, qui n'est pas faite d'identités mais de différences. Penser les différences permet d'éviter de tomber dans la simplification de penser les identités et d'éviter donc de tomber dans un savoir on ne peut plus partiel, limité, incomplet et privé de son essence première. Penser les différences est avoir une vision d'ensemble qui ne tombe pas dans les contradictions provoquées par concevoir ce qui se ressemble. [...]
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