Au-delà de la citation sartrienne, une sentence cinglante qui cherche l'effet sur son auditoire et associe les autres à l'enfer, selon une métaphore dont on peut interroger la valeur hyperbolique.
Dans la mythologie gréco-latine, on parle de l'enfer comme lieu souterrain, séjour des âmes des morts. Un monde de damnés où les souffrances sont légion et où se retrouvent apeurés, noyés sous leurs pleurs, des hommes coupables de divers maux; depuis le meurtrier condamné aux expiations de l'enfer ad aeternam jusqu'au libidineux, passé par la case purgatoire, à ces hommes coupables d'avoir eu les bonnes intentions dont l'enfer est pavé. Un monde que le peintre hollandais Bosch représente brûlant, suffoquant, où les hommes ignominieux sont forcés à une promiscuité, à une intimité dégradante, à une cohabitation aussi improbable que définitive. Ils sont marqués du sceau de la laideur; nus et la conscience à nue dans les flammes inextinguibles de l'enfer.
En affirmant, que l'enfer, c'est les autres, l'enfer entre dans notre monde, le monde des vivants. L'abîme remonte à la surface terrestre et l'enfer est vécu ici et maintenant, il est notre présent et non ce qui pourrait nous attendre après la mort.
On peut en déduire que ce que l'autre a d'infernal, c'est non seulement sa présence, mais surtout la cohabitation forcée, presque inéluctable, avec lui, dans une promiscuité qui contraint la vue au spectacle de l'horreur morale, de la laideur humaine. Intimité qui ne dure pas moins que l'éternité, puisque l'autre est toujours présent, nous le verrons; mais où les hommes portent le masque. Peut-on alors concevoir que cette réplique de Jean-Paul Sartre « L'enfer, c'est les autres », soit l'expression juste des rapports humains? N'est-elle pas au contraire métaphorique, si bien que ce n'est pas tant l'autre qui pose problème que l'enfer qu'il représente à mes yeux, sachant que cet enfer s'origine dans une culpabilité qui est la mienne?
[...] Dès lors que veut-il dire par l'enfer, c'est les autres? Peut-être que, comme l'enfer, ces relations sont souvent placées sous l'étendard du vice, ce qui ne veut pas dire que de telles relations soient nécessaires pour autant. En effet, autrui peut être autre chose que cet être qui met un frein à mon bonheur. Et les conflits, les tensions, les passions destructrices pourraient bien faire souhaiter le retrait et la solitude, justifier la misanthropie, sans ces conflits et sans l'autre, nous ne sommes rien. [...]
[...] On peut s'efforcer d'agir bien en ayant des valeurs morales et en étant foncièrement bon, le regard d'autrui, son jugement ne dépendant que de lui, personne n'a le pouvoir d'imposer l'image qu'il a de lui. Cet enfer est cependant spécial: nous ne sommes pas toujours conscients du mal qu'autrui nous fait et nous acceptons sous la contrainte l'enfer de son regard, de son jugement, de sa présence envahissante comme si elle était nécessaire, inéluctable, voire bénéfique. J'en veux pour preuve, l'absence des autres. Lorsque nous ne sommes plus sous le joug d'autrui, nous avons tendance à endosser son rôle de juge. [...]
[...] Un enfer dont je ne reconnais pas la dimension infernale en est-il encore un? Autrui est-il encore et seul responsable de cet enfer que je vis, si je le perpétue en son absence, comme s'il m'était nécessaire de toujours me juger et d'être à moi-même mes propres juge et bourreau? Cet enfer n'en serait donc pas vraiment un et la réplique de Sartre franchement hyperbolique. Dans un deuxième axe d'étude, il convient donc de s'interroger sur les failles d'un premier postulat; une réplique sartrienne qui se voudrait métaphorique et non superlative. [...]
[...] Peut-on alors concevoir que cette réplique de Jean-Paul Sartre L'enfer, c'est les autres soit l'expression juste des rapports humains? N'est-elle pas au contraire métaphorique, si bien que ce n'est pas tant l'autre qui pose problème que l'enfer qu'il représente à mes yeux, sachant que cet enfer s'origine dans une culpabilité qui est la mienne? Dans un premier axe d'étude et si nous partons de l'idée que cette citation est métaphorique et non superlative, alors oui, nous pourrions effectivement dire que l'enfer c'est les autres. [...]
[...] Et pour cause, cet enfer est nécessaire à la constitution du moi, à ma prise de conscience des devoirs moraux, à la nécessité du respect des lois (morale kantienne). Il est le médiateur entre moi et moi-même et entre moi et mon humanité. L'enfer n'est pas inéluctable, la relation à l'autre l'est au contraire, et c'est peut-être souhaitable. Dans la contrainte et la douleur, dans le conflit et le désir, c'est mon humanité qui advient à elle-même. En passer par l'enfer, pour apprécier le paradis? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture