« Il n'y a point de recette pour embellir la nature. Il ne s'agit que de voir » disait Auguste Rodin. Pour le sculpteur, embellir la nature, c'est d'abord la voir comme belle. Ce qui embellit, c'est le regard de l'artiste. En ce sens, embellir serait à la fois voir le beau et le rendre visible aux autres.
Ainsi, embellir joue d'emblée sur une ambivalence entre cause et effet : embellir traduit à la fois l'action de rendre beau ou plus beau, et le résultat cette action. On dira de l'artiste qu'il a embelli la nature, on dira aussi d'une personne qu'elle a embelli. Le verbe embellir définit donc à la fois une constatation du beau et une volonté de faire le beau, soit en rendant beau ce qui ne l'est pas, soit en rendant plus beau ce qui l'est déjà. Qu'est-ce alors qu'embellir? Le beau est-il ce qui embellit?
S'il semble d'abord qu'embellir en tant qu'action de rendre beau permette d'approcher le beau, face aux risques qu'implique une déformation de la nature, l'embellissement apparaît ensuite comme un danger pour le beau et par conséquent à proscrire. Peut-on néanmoins, moyennant des règles et conditions, réhabiliter l'embellissement comme moyen de rendre beau en rendant plus beau ?
[...] Embellir serait alors aller à l'encontre du beau : peut-être faudrait-il alors interdire d'embellir ? Dans les Lois, Platon s'attache ainsi à interdire certains types de mimésis qui pourraient nuire à la cité. Il dénonce particulièrement certaines formes musicales, la musique étant d'autant plus dangereuse que l'homme a du mal à contrôler son ouïe. En effet, selon Platon, l'embellissement peut conduire à une perversion des citoyens en montrant l'être comme ce qu'il n'est pas. L'action d'embellir, non seulement néfaste, apparaît alors vaine : le beau étant ce qui concentre le plus d'être, toute tentative de rendre plus belle la nature paraît alors impossible. [...]
[...] Pour les tragédiens classiques au XVIe siècle, l'embellissement deviendra même parfois obligatoire pour respecter les codes esthétiques de l'époque. Ainsi l'illustre la querelle du Cid ou l'Académie reprochera à Corneille le comportement de Chimène inadéquat avec les règles morales classiques. Quand Corneille invoque en sa défense le vrai, l'Académie répond que le vrai n'est pas parfois pas vraisemblable Ainsi, pour les tragédiens classiques embellir le vrai était parfois condition essentielle à la confection d'une belle tragédie. L'embellissement n'est plus seulement possible, il est requis. [...]
[...] Ainsi, embellir joue d'emblée sur une ambivalence entre cause et effet : embellir traduit à la fois l'action de rendre beau ou plus beau, et le résultat cette action. On dira de l'artiste qu'il a embelli la nature, on dira aussi d'une personne qu'elle a embelli. Le verbe embellir définit donc à la fois une constatation du beau et une volonté de faire le beau, soit en rendant beau ce qui ne l'est pas, soit en rendant plus beau ce qui l'est déjà. Qu'est-ce alors qu'embellir ? [...]
[...] Ainsi, la tentative de Frenhofer d'embellir son tableau aboutit au meurtre de sa Catherine Lescault, à la mort du beau. Cependant, condamner l'embellissement, c'est-à-dire la possibilité de rendre plus beau, de faire du beau, revient à condamner toute forme artistique. L'homme devrait alors se contenter du beau naturel et ne pourrait exprimer sa créativité, sa capacité à faire du beau. Ainsi proscrire l'embellissement pour garantir le beau, n'est-ce pas en fait priver l'homme d'une partie de son humanité en bornant ses capacités à créer ? [...]
[...] Embelli, le tableau devient beau. Néanmoins, une telle conception du beau comme ce qui embellit semble poser le problème d'une surenchère de l'embellissement, de l'ornement et impliquer le risque d'une distorsion de la nature. Ainsi, Socrate se donne dans l'Hippias majeur sa propre objection : l'ornement ne peut définir le beau puisqu'orner c'est introduire de la distorsion dans la nature, par conséquent s'éloigner de l'être. Ainsi, poser l'embellissement comme ce qui rend beau et devient beau revient contredit en fait la conception platonicienne du beau selon laquelle est plus beau ce qui admet le plus haut degré d'être. [...]
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