Effi Briest chapitre XXXIII, Theodor Fontane 1896, analyse, retrouvailles mère fille, Roswitham, Innstetten, Briest, docteur Rummschüttel, révolte tragique, destin romanesque, apogée dramatique scène de dénouement, mise en scène, commentaire de texte
Nous sommes presque à la fin du roman, qui compte 36 chapitres. Le chapitre précédent commence trois ans après la découverte de la faute d'Effi par son mari. Après une entrée en matière où l'on retrouve le bon docteur Rummschüttel et où l'on apprend que la santé de la jeune femme s'est détériorée, ce chapitre XXXII commence par relater, sur un mode rétrospectif et à la manière d'un sommaire, les éléments les plus marquants de sa nouvelle vie : le passage par la pension pour dames seules, les retrouvailles avec la fidèle Roswitha, la recherche de "quelque chose" qui puisse meubler sa vie solitaire et désolée.
[...] 808), puis, dans un mouvement inverse la reconduit vers les ténèbres extérieures du récit, d'où elle ne réapparaîtra pas. Cette fonction endossée par Roswitha qui déplace temporairement l'univers romanesque vers celui du drame qui se joue « hic et nunc », dans l'éternel présent de la scène, est soulignée par le « Maintenant, il était midi », doublé du « enfin, timide, un tintement », sonnette de la porte d'entrée, mais aussi sonnerie qui annonce le début de la pièce au théâtre. (On pourrait également ajouter la polysémie de l'expression « deuxième distribution », p 2e §, dans la traduction française, distribution du courrier, mais aussi peut-être distribution des rôles d'une deuxième chance, pour Effi, ou pour Annie qui aurait pu accéder au statut de « jeune première » ?) B. [...]
[...] Le choc nerveux éprouvé à l'issue de ces retrouvailles manquées est à lire en parallèle avec celui causé par l'histoire des fantômes qui entache le début de la vie conjugale : s'il n'est pas question ici de fantôme, une présence mortifère surveille et sépare néanmoins la mère de la fille dont elle semble guider à distance les gestes et les paroles. L'emploi du terme juridique de « préméditation » pour caractériser l'attitude d'Annie, qui au lieu d'aller vers sa mère « reste près de la porte entrebâillée » est l'indice d'une volonté malfaisante et perverse agissant à travers la petite fille, dont on a vu qu'elle ne semblait être qu'un instrument. [...]
[...] Sa prière d'imploration, adressée à Dieu en premier lieu (« ô mon Dieu, toi qui es dans le ciel »), glisse alors vers l'imprécation, adressée à Innstetten de manière indirecte (il n'est jamais nommé, et la troisième personne employée s'oppose à l'intimité du « tu » de l'adresse à Dieu), puis à la société tout entière, stigmatisée dans son hypocrisie (« ce qui me dégoûte bien plus encore, c'est votre vertu à vous autres »). L'injonction finale « ôtez-vous de mon chemin » marque un revirement total du personnage : à la solitude subie, mais acceptée comme juste châtiment d'une faute pleinement assumée (qui n'est que « justice ») se substitue une solitude volontaire et revendiquée face à la cruauté, qui, elle, n'est qu'injustice. Par sa prière, Effi revendique son statut de « monstre » social et sa révolte contre la fatalité qui la condamne lui confère une aura d'héroïne tragique. [...]
[...] « Moi aussi, j'ai été bien ambitieuse », confie Effi à Annie. « C'était un arriviste, et rien de plus. » : quand la vérité se fait jour, elle suffoque celle qui l'a découverte : « et puis, il a abattu ce pauvre gars ( ) et puis du sang et du meurtre ». B. Apogée dramatique ou scène de dénouement ? Ce chapitre est donc celui dans lequel l'héroïne, obligée par la cruauté des circonstances, dévoile pour elle-même et pour le lecteur la vérité des êtres et des rapports qui régissent la société. [...]
[...] Cette violence tient à la soudaine révélation pour Effi de la nature profonde d'Innstetten : à l'homme bafoué s'est substitué un bourreau, et pour la première fois, Effi se voit elle-même telle que le lecteur l'a perçue depuis longtemps : comme une victime. La prostration finale de l'héroïne, qui d'en avoir supporté trop ne semble pouvoir en supporter plus, accélère le dénouement : de fait, il ne reste que trois chapitres avant que ne soit consommé ce qui est d'ores et déjà accompli. A. Une mise à mort avec « préméditation » Tout est en effet déjà accompli à la clôture du chapitre : ainsi que le prophétise avec lucidité Effi elle-même, « Il me faut vivre encore, mais cela ne durera certainement plus longtemps ». [...]
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