Emile ou de l'éducation, Rousseau, éducation, contrat social, humanité
L'Emile est publié en 1762 c'est à dire à quelque mois d'intervalle du fameux Contrat social ; une telle proximité peut elle être anodine ? Il ne faudrait pas si tromper, ses deux ouvrages que Rousseau considéraient lui-même comme son meilleur présent aux hommes, présentent des caractéristiques communes, indissociables oserons nous dire. Emile se défend d'être un traité d'éducation, ce n'est qu'un « recueil de réflexions et d'observations, sans ordre, et presque sans suite » qui rejette de son titre le mot même de traité. Peut-être Rousseau qui rappelons le tout de même a abandonné ses enfants cherchait ainsi à se prémunir de quelconques remarques. Quoi qu'il en soit, cet ouvrage se propose moins de fournir aux parents une méthode d'éducation, qui de toute manière doit rester particulière, que d'établir une science de l'homme afin de l'intégrer dans un système : « Il me suffit que partout où naîtront des hommes, on puisse en faire ce que je propose, on ait fait ce qu'il y a de meilleur et pour eux-mêmes et pour autrui ». Dès la préface le but de l'éducation est donc posé : il s'agira du bonheur de l'individu lequel passe tant par l'unité de soi-même que par l'application d'un principe de moindre mal envers autrui. Ce livre est certes une utopie mais il est assumé comme tel par l'auteur : il est clair que l'abstraction totale du social est impossible, Emile sera donc une construction imaginaire, mais il signifie la vraie humanité telle que Rousseau la voit.
[...] Le dialogue avec le jardinier aboutit à l'institution de la propriété privée, du contrat, de l'échange. Ce contrat nous fait découvrir le devoir, qui subordonne l'intérêt présent et personnel (que l'enfant connaît : il raisonne en tout ce qui se rapporte immédiatement à lui (p197)) à la règle générale du contrat. Emile cultive également une raison qui est sensitive qui consiste à former des idées simples par le concours de plusieurs sensations (p253) D'où le fait que l'éducation d'Emile, à chaque moment, tendra à un certain équilibre entre ses pouvoirs physiques et mentaux car l'homme en possession de tous ses moyens s'achève ; la mauvaise éducation, parce qu'elle se presse de dégager de l'enfant l'homme tel qu'elle le conçoit, ignore les réalités naturelles et accepte tous les faux prestiges du social. [...]
[...] C'est donc l'état de division de l'homme qui est indiqué ici : la raison éclairée par la conscience suscite la volonté contre les passions. Il sera toujours grand et beau de régner sur soi (p579) Emile a été élevé sans se combattre donc sans exercer sa vertu, même s'il lui est arrivé de bien agir, il n'a connu la vertu qu'en en ignorant le nom. Maintenant qu'Emile rentre dans l'univers humain avec les responsabilités que cela implique, il lui faut établir en soi l'ordre d'un être qui se sait dans un ordre. [...]
[...] Le fait est que l'enfant qui commande en tyran finit nécessairement esclave : l'enfant commande en effet dans l'ignorance et le caprice ce qui est contre nature, ainsi, il s'asservit à soi et à autrui. Avec les cris et les larmes commencent la corruption. Les menaces ou les caresses sont des signes qui manifestent l'esclavage ou la domination. L'enfant prend conscience de son pouvoir et en même temps de l'offense ou de l'injustice (dont nous avons déjà souligné qu'elle était un sentiment inné). [...]
[...] Que faut t il donc voir dans cet asservissement d'Emile à son gouverneur ? N'est ce pas là qu'une manière de se soumettre à une raison extérieure que l'enfant n'acquiert que lentement ? Ne pourrait on pas voir à travers ce rapport de maître et d'esclave une métaphore du pouvoir de la Raison sur celui de la nature ? Toute notre sagesse consiste en préjugés serviles ; tous nos usages ne sont qu'assujettissement, gêne et contrainte. L'homme civil naît, vit et meurt dans l'esclavage : tant qu'il garde la figure humaine il est enchaîné par nos institutions (p89) : esclavage est donc le mot qui nous convient pour notre condition d'homme civile ; cette servitude est politique si les lois émanent d'un pouvoir qui nous est étranger, si elles sont faites pour les riches par les riches. [...]
[...] Comment sauras tu sacrifier le penchant au devoir et résister à ton cœur pour écouter ta raison ? [ ] La vertu n'appartient qu'à un être faible par sa nature et fort par sa volonté ; c'est en cela que consiste le mérite de l'homme juste (p653) Rousseau exprime ici l'opposition de la nature et de la volonté : la volonté peut elle être dite contre nature ? Si l'homme était fort dans sa nature peut être n'aurait il pas de volonté. [...]
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