Nous vivons dans des sociétés ou les échanges se multiplient, non seulement entre individus, mais bien entre États ou continents. Ces sociétés connaissent aussi de nombreux conflits, éventuellement armés. S'en tenir à ce double constat et en déduire que les échanges ne peuvent pas leur seule existence favoriser la paix entre les hommes est sans doute rapide, mais cela invite à mieux définir les conditions dans lesquelles ils seraient favorables à cette paix, qui doit sans doute être conçue comme autre chose qu'un simple état plus ou moins passif.
La dimension des échanges est anthropologique. Tout d'abord, l'échange est spécifiquement humain. On admet que, même si l'être humain n'a pas de définition a priori, il possède à sa naissance un certain nombre de potentialités qui lui permettront de réaliser son humanité, en se distinguant du donné naturel. Parmi ces potentialités figure l'échange (système de don et contre-don), qui n'apparaît pas en tant que tel dans les espèces animales.
[...] Néanmoins cette égalité est-elle possible, ou constamment garantie? Si l'on en croit Rousseau, elle est dès le départ viciée: sans doute la vie fondée sur la circulation des marchandises paraît-elle plus facile et plus sûre, mais elle marque aussi, selon le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, la fin du bonheur. Celui qui peut produire davantage que l'autre, parce qu'il est simplement plus fort physiquement, aura davantage à échanger, il deviendra plus riche, plus puissant, et l'inégalité devient incontrôlable. [...]
[...] Parmi ces potentialités figure l'échange (système de don et contre-don), qui n'apparaît pas en tant que tel dans les espèces animales. Il a trois formes initiales. Selon Claude Lévi-Strauss, les échanges peuvent initialement, dans les sociétés "primitives" ou traditionnelles (celles dont l'histoire serait "froide"), concerner trois situations: l'échange des épouses (qui va de pair avec le respect de la prohibition de l'inceste et instaure l'exogamie) entre groupes, l'échange de messages (recours à un langage commun qui confirme l'"égalité" des interlocuteurs, au moins dans leur capacité à parler), et l'échange des biens et services (travail en collaboration, puis circulation de premières marchandises). [...]
[...] Dans un second temps, les échanges économiques peuvent favoriser la paix entre les hommes. Tout d'abord car ils sont nécessaires. Les philosophes, de Platon à Rousseau, qui ont réfléchi sur l'apparition du travail et des échanges concernant les marchandises, affirment en général que le travail est d'autant plus efficace qu'il est spécialisé, et c'est bien ce que confirment les économistes (Adam Smith). Mais cette spécialisation aboutit à produire des quantités de marchandises qui doivent nécessairement être échangées pour satisfaire les différents besoins de chacun. [...]
[...] A cette vision angélique, il faut hélas substituer celle d'une réalité inégalitaire, dans laquelle les échanges, quelle que soit leur efficacité lorsqu'ils ne concernent que des individus, sont facteurs d'un accroissement de cette inégalité, et donc de conflits, lorsqu'ils s'effectuent au niveau macro-économique. Peut-on modifier les conditions des échanges pour qu'ils soient facteurs de paix? La réponse semble finalement dépendre de postulats philosophiques: si l'on pense que les discussions politiques sont capables de déterminer autrement les échanges, on peut recommencer à rêver de paix; mais si l'on admet que c'est l'économie qui l'emporte sur la bonne volonté politique, on devine qu'une paix ne sera concevable qu'après un bouleversement de l'économie, qui pourrait ne pas être en lui-même très pacifique. [...]
[...] Les échanges favorisent-ils la paix entre les hommes? Nous vivons dans des sociétés ou les échanges se multiplient, non seulement entre individus, mais bien entre États ou continents. Ces sociétés connaissent aussi de nombreux conflits, éventuellement armés. S'en tenir à ce double constat et en déduire que les échanges ne peuvent pas par leur seule existence favoriser la paix entre les hommes est sans doute rapide, mais cela invite à mieux définir les conditions dans lesquelles ils seraient favorables à cette paix, qui doit sans doute être conçue comme autre chose qu'un simple état plus ou moins passif. [...]
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