Échanger est communément défini comme acquérir un bien qui appartient à un autre contre un bien possédé. L'échange suppose une concertation réfléchie afin de déterminer les biens échangés, chacun cherchant son intérêt propre. Idéalement, cette concertation aboutit à un consentement mutuel pour échanger un bien contre un autre. Il semble a priori que la justice soit liée à l'échange puisqu'elle oblige à considérer autrui pour savoir quelle part donner à chacun sans porter préjudice à quiconque. Ainsi, les notions d'échange et de justice renvoient toutes deux à l'idée de répartition entre individus. En revanche, ces deux notions peuvent apparaître comme antagonistes lorsqu'il s'agit d'équité, puisque la justice, en tant que notion morale, suppose un traitement équitable de chaque individu que l'échange peut parfois nier. D'autre part, l'échange peut se heurter à la justice tant qu'institution judiciaire, puisque celle-ci définit une juridiction qui restreint le cadre des échanges. Dans ces conditions, alors qu'a priori il y aurait corrélation entre échange et justice, on s'aperçoit que l'échange, dès qu'il ne renvoie plus à un idéal de répartition, ne serait plus compatible avec la justice. Si, de droit, échange et justice vont de pair, pourquoi constate-t-on une incompatibilité ? Est-il possible de concilier, au moins partiellement échange et justice ?
[...] Au-delà de ce rapport paradoxal entre échange et justice, comment pourrait-on les concilier? On pourrait concevoir tout d'abord l'élaboration de principes à respecter afin qu'échange et justice cohabitent. C'est ce que tente de faire J.Rawls dans La théorie de la justice, oeuvre dans laquelle il s'efforce de concilier justice sociale et efficacité économique dans le système social. La justice serait caractérisée par le respect de deux principes: d'une part la nécessaire égalité des libertés qui doivent être aussi étendues que possible pour tous, et d'autre part, des inégalités économiques et sociales au bénéfice des plus désavantagés de la société avec un principe d'égalité des chances. [...]
[...] Ainsi, pour concilier échange et justice, il faudrait un contrat social. Celui-ci doit, pour ne pas perpétuer d'injustices par l'influence de vues particulières, assurer la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire (livre II). Ainsi, l'association civile serait accepter par tous, la justice garantie et l'échange inséré dans le cadre de ce contrat social assurant la justice. Ainsi donc, échange et justice pourraient être conciliables, s'ils existaient des institutions garantissant l'union de la société qui se soumettrait à la volonté générale. [...]
[...] On peut tout d'abord constater qu'il existe des cas où l'échange est injuste. En effet, la thèse d'Alain présente un dysfonctionnement dans la mesure où les individus ont des devoirs envers la société, et n'ont donc pas nécessairement le temps pour la ruse; ils ne peuvent pas toujours feindre la liberté. Ce ne serait donc qu'un modèle théorique d'un échange juste peu réalisable. D'autre part, l'échange produit une injustice car ce sont bien souvent les moins productifs qui s'enrichissent le plus. [...]
[...] L'échange peut donc s'avérer injuste dans certains cas. Par ailleurs, il existe des raisons de ne pas être juste dans l'échange. En effet, dans la profession de foi du vicaire Savoyard (Émile, livre Rousseau montre qu'il serait raisonnable de ne pas suivre un principe de réciprocité dans nos actions, c'est-à-dire de ne pas "agir avec autrui comme nous voulons qu'on agisse avec nous", car il n'y a pas de certitude quant au comportement d'autrui, qui pourrait ne pas suivre cette maxime. [...]
[...] En conclusion, on peut donc dire qu'en théorie, échange et justice vont de pair et sont même constitutifs l'un de l'autre. Pourtant, il y a une impossibilité de fait d'être juste dans l'échange, qui ne peut se résoudre que partiellement grâce à l'élaboration de principes communs à toute la société, régis par des institutions issues de la volonté générale. Cette incapacité à résoudre totalement l'incompatibilité entre échange et justice peut s'expliquer par le paradoxe de la condition de l'homme, à la fois sociale et individualiste. [...]
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