Si certains théoriciens considèrent que les premières religions ont eu pour fonction de lier les individus en transposant dans une sphère sacrée des exigences qui étaient celles de leur groupe social, Durkheim, au début de ce texte, commence par inverser la relation : pour le sociologue, c'est bien la société qui prend une allure de "divin", tant elle apparaît supérieure à ses membres, et à ce titre capable d'en exiger certains comportements impliquant autant de sacrifices. Cela suppose que la société possède une "nature" indépendante de celle de ses membres, et que ses buts ne peuvent être atteints que grâce à la collaboration de ces derniers. D'où les contraintes qu'elle exerce sur eux - mais qui ont au moins l'avantage de bonifier leurs comportements (...)
[...] Mais ce que chacun peut percevoir ainsi n'est pas seulement un passé d'apprentissage à l'humain, c'est au contraire un ensemble de règles ou d'habitudes qui est sans cesse au présent, et dont chaque instant du quotidien confirme la présence. La société exerce en permanence une action sur les esprits de ceux qui en font partie, et ils pressentent que cette action a bien une origine extérieure, puisqu'ils devinent en même temps que la même action s'exerce sur tous. La société se manifeste ainsi d'une manière qui est bien, comme l'avance Durkheim, comparable à celle d'un dieu : elle apparaît supérieure à tout individu, et il se sent dépendre d'elle Les contraintes AUTONOMIE DE LA SOCIETE Si l'on admet ainsi que la société existe indépendamment de chacun de ses membres, on est amené à considérer qu'elle possède une nature spécifique, et ne peut se réduire à une simple addition ou coprésence de ceux qu'elle rassemble. [...]
[...] Elle exige que, oublieux de nos intérêts, nous nous fassions ses serviteurs et elle nous astreint à toute sorte de gênes, de privations et de sacrifices sans lesquels la vie sociale serait impossible. C'est ainsi qu'à chaque instant nous sommes obligés de nous soumettre à des règles de conduite et de pensée que nous n'avons ni faites ni voulues, et qui même sont parfois contraires à nos penchants et à nos instincts les plus fondamentaux. Emile DURKHEIM, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, coll. Quadrige 5e éd : domaine public. La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. [...]
[...] D'où vient leur caractère obligatoire ? La société nous est supérieure par nature (comparable au divin), mais elle ne vit que grâce à ses membres. Elle doit donc obtenir d'eux les comportements qui lui sont nécessaires. L'homme initial pense d'abord à lui, et c'est la vie sociale qui l'oblige à se modifier, en remplaçant ses penchants égoïstes par des conduites utiles à l'ensemble social Utiliser ses connaissances Aristote : l'homme se définit comme animal politique ce qui signifie bien qu'en dehors de la polis (c'est-à-dire la cité, mais aussi la société), il ne peut vivre correctement. [...]
[...] Freud, lorsqu'il décrit le complexe d'Oedipe, souligne de son côté qu'il est le moment d'une seconde naissance, venant s'ajouter à la naissance biologique : le stade de la libido qui inscrit précisément la prohibition de l'inceste dans le sujet individuel correspond ainsi à sa naissance au social et à ses règles. Conclusion Derrière son aspect assez général, cet extrait de Durkheim est plus précis qu'il ne semble au premier abord : il permet de repérer finalement comment la société, pour exister, doit nécessairement frustrer l'individu relativement à son premier désir. Cette inscription d'une première règle conditionne l'apparition de toutes les autres exigences émanant de la société. On peut constater, avec Freud, qu'aucune organisation sociale n'est donc apte à satisfaire totalement l'homme. [...]
[...] De ce point de vue, la société dépend des hommes qui la composent puisque, indépendamment d'eux et de leur action, elle ne peut rien faire et n'existe plus. Pour réaliser ses buts, il lui est donc nécessaire d'obtenir une obéissance suffisante, et le vocabulaire utilisé par Durkheim implique que la contrainte qu'elle exerce n'est pas mince : il est question de réclamer impérieusement exiger de serviteurs de toutes sortes de gênes, de privations et de sacrifices obligation et de soumission LES CONTRAINTES SOCIALES Il n'est en effet pas nécessaire de procéder à une longue réflexion pour constater que notre vie quotidienne est traversée inlassablement par des exigences et des contraintes d'origine sociale. [...]
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