Qui oserait aujourd'hui en France prendre parti pour Créon dans le conflit qui l'oppose à Antigone et faire primer 'les lois de la Cité' sur 'les lois non écrites, inébranlables des Dieux' ? La révolte d'Antigone a droit de cité dans les sociétés occidentales contemporaines. Les propos récents d'A. Soljenitsine qui a dénoncé l'impérialisme des droits de l'homme pour critiquer l'intervention russe dans le Caucase ont de quoi dérouter les anciens lecteurs de l'Archipel du Goulag. Notre discours serait il dépassé ? Les droits de l'homme correspondent-ils à une conception occidentale du monde, née à l'époque moderne, historiquement datée et géographiquement circonscrite ?
[...] La fiction du contrat social dans une perspective juridique, la fiction nationale dans une perspective culturelle et historique a pour objet l'unité du droit moderne. Dès lors la place des droits de l'Homme dans le projet politique moderne est le fruit de conciliation. Cette conciliation se traduit par des questions de droit bien précises. Deux questions se posent plus particulièrement auxquels le projet politique moderne ne donne pas de réponse. Le premier consiste à savoir qui a compétence pour découvrir les droits de l'Homme. [...]
[...] La rupture de l'époque moderne consiste à internaliser la fonction d'organisation du monde, c'est à dire à l'humaniser ; la disposition des choses ne relève plus directement de Dieu ou de la Nature mais de la Raison. Si Dieu ou la Nature conserve une fonction explicative c'est par la Raison que cette fonction se manifeste. Selon cette optique, Kant amorce un mouvement qui n'est pas encore clos. Si le XXème siècle préfère au terme de Raison ceux plus précis de " conscience " (initiée par Bergson), " d'inconscience " (Freud), de " phénoménologie de l'esprit " (Husserl) la démarche n'en demeure pas moins la même. [...]
[...] Peuvent également entrer en contradiction le droit à la vie et la liberté d'avortement, le droit à la sécurité et la liberté de circulation, le droit au mariage et le droit au divorce. Puisqu'il est impossible de dégager des droits de l'Homme positifs, ceux ci se voient confier un rôle supplétif dans le droit moderne. Ils servent négativement à légitimer un droit de résistance à l'oppression. Le souverain n'a pas prétention à être capable de dégager la substance même de l'Homme. C'est à un prophète, un dictateur au sens de Rousseau, qu'il revient d'opérer cette découverte. La séparation de l'Autoritas et de la Potestas ne vaut plus dans la politique moderne. [...]
[...] C'est à cette question que les droits de l'Homme doivent répondre sans cesse pour garder leur fonction d'exorcisation des peurs. Devant l'accélération du temps, les sociétés modernes sont traversées par de nouvelles peurs. Nous devons croire aujourd'hui aux droits de l'Homme pour exorciser ces peurs et pouvoir prolonger la dynamique du moderne sans l'altérer. Plus précisément, il semble que les progrès de la science génèrent une réapparition de l'homme " en creux L'Homme ce n'est ni le clone, ni le simple foetus, ni un simple corps susceptible d'être introduit dans le commerce. [...]
[...] D'un autre côté, l'intervention au nom des droits de l'Homme ont considérablement aggravées les exactions serbes et tout c'est passé comme si en légitimant une solidarité envers la communauté opprimée elles avaient provisoirement enfermé la communauté serbe du côté de l'Antihumain dénoncé. C'est toute la problématique de la lutte que d'exclure en même temps qu'elle défend. Toutefois, les sociétés modernes qui progressent aujourd'hui à travers le choix des droits de l'Homme doivent persévérer dans le choix du legs plutôt qu'une tentative d'inventaire à court terme. Le bilan de la révolte prise isolément est négatif c'est certain. [...]
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