L'innovation kantienne sur le plan des relations extérieures entre Etats réside dans cette coordination défensive qui prend la forme d'un fédéralisme d'Etats libres. A partir de ces éléments, il s'agit à présent de savoir dans quelle mesure, à partir d'une telle coalition, il serait possible de penser un ordre juridique qui pourrait s'étendre à tous les Etats et préparer ainsi une communauté pacifique de tous les peuples de la terre. Dans l' « Appendice II » du Projet de paix perpétuelle, Kant situe le principe d'une telle dynamique dans le mode de gouvernement républicain : « si le bonheur voulait qu'un peuple, aussi puissant qu'éclairé, pût se constituer en république (gouvernement qui par sa nature, doit incliner à une paix perpétuelle), il y aurait dès lors un centre (Mittelpunkt) pour cette association fédérative » (...)
[...] De même, le droit de se prêter à un commerce réciproque ne peut relever de l'éthique sans du même coup établir une contradiction. Si le commerce doit être soumis à une législation extérieure, c'est pour assurer à chacun le sien, et rendre l'acquisition d'un objet extérieur péremptoire. Or, dans une communauté éthique où les personnes sont unies selon des lois de vertu, la répartition des biens ne nécessite pas le recours à la contrainte extérieure du droit, dans la mesure où chaque volonté agit selon un intérêt pratique qui fait d'autrui une fin en soi. [...]
[...] Il s'ensuit que le droit cosmopolitique posé comme une des divisions transcendantales du droit ne peut relever d'un principe éthique. Kant insiste sur cette distinction dans les oeuvres de 1795 et de 1797, car il serait aisé de conclure à un droit cosmopolitique fondé par un principe philanthropique. Dans le Troisième article définitif de l'essai de 1795, l'auteur précise qu'il traite dans cet extrait comme dans les précédents, du droit, non de la philanthropie Cette remarque est reprise au 62 de la Doctrine universelle du droit : Cette Idée de la raison n'est une communauté générale, pacifique, sinon encore amicale, de tous les peuples de la Terre qui peuvent nouer entre eux des rapports actifs, n'est pas quelque chose de philanthropique (éthique), mais c'est un principe 2 juridique Le souci de Kant est de préserver le droit cosmopolitique dans lequel l'état de paix, comme devoir absolu et inconditionné, est adopté comme maxime de l'action, de toute législation éthique. [...]
[...] Or, le droit cosmopolitique en tant qu'il impose une législation rationnelle juridique qui rend possible une coexistence des libertés extérieures de tous les peuples, se distingue en tous points avec une telle législation. Au même titre que le droit civil et que le droit des gens, le droit cosmopolitique porte sur la relation formelle des arbitres afin que 2 Ak.VI 352, p.625-626. Ak.VI 450, p Ak.VI 451, p chacun puisse rendre son acquisition péremptoire. C'est une nouvelle réciprocité qui exige une nouvelle modalité de la contrainte juridique pour garantir le mien et le tien extérieur, ce qui s'oppose à une législation éthique qui réunit les volontés sous des lois de vertu. [...]
[...] Cette nouvelle réciprocité qui annonce par conséquent une nouvelle sphère de la communauté répond d'abord aux exigences posées par la division transcendantale du droit dans la réflexion kantienne. En effet, le droit cosmopolitique est une application de la méthode transcendantale selon laquelle toute division synthétique a priori est une trichotomie. Le droit cosmopolitique s'applique ainsi à la relation entre individus conçus comme citoyens du monde au-delà du pluralisme des peuples, et pose les conditions a priori normatives d'une coexistence extérieure des libertés à l'échelle de tous les peuples de la terre. [...]
[...] Ce qui implique que la nécessité de recourir à une législation juridique pour garantir le mien et le sien extérieur ne peut s'appliquer qu'à des êtres animés par des intérêts pathologiques, excluant ainsi toute dimension Ak.VI 352, p.626. Ak.VIII 358, p éthique à l'échange de biens. Le droit cosmopolitique est un principe juridique qui établit un accord entre les libertés de façon formelle. Dans ces conditions, force est de reconnaître que les modalités de ce droit, ne peuvent être déduites d'un fondement éthique mais, d'un droit plus originaire qu'il s'agit de déterminer qui est celui de la communauté originaire du sol. [...]
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