Un homme qui douterait de tout serait un homme qui suspendrait constamment son jugement, qui n'affirmerait rien, ne croirait rien. Or une telle attitude est-elle possible ? Et si elle est possible, est-elle autorisée ? Le problème qui se pose à nous peut se formuler ainsi : le doute, en certain sens, est un moyen indispensable à l'homme, puisqu'il lui permet de se délivrer des préjugés, des apparences, et qu'il lui ouvre de nouveaux horizons, mais si ce doute ne prend jamais fin, l'homme ne risque-t-il pas, paradoxalement, de ne plus pouvoir agir, se décider, de ne plus pouvoir faire confiance aux autres ? (...)
[...] Néo, le héros, est un jour conduit à douter de ce qu'il vit. Et il en vient à percer le mystère : il vit en réalité dans une matrice de machine, et ce qu'il sent, perçoit, ce qu'il voit, touche entend, n'est que l'effet d'un programme informatique créé par d'autres. Rien de ce qu'il vit n'est vrai, puisque rien ne correspond à la réalité. Le monde réel dans lequel vit le héros est en fait une prison. En doutant, Néo prend conscience de son esclavage, de son emprisonnement, et il décide de se battre pour retrouver sa liberté. [...]
[...] La religion, quelquefois, peut sombrer justement dans le dogmatisme par manque de remise en question ; elle peut se montrer intolérante, superstitieuse. Les philosophes du siècle des Lumières ont critiqué ce dogmatisme, ce manque d'intolérance et de dialogue avec les autres religions. Quand la religion, posant ses dogmes, ses vérités indiscutables, refuse d'admettre d'autres sortes de croyances, elle refuse en même temps de douter d'elle-même. Ne s'agit-il pas, en l'occurrence, d'une vue étroite et bornée ? Ce dogmatisme n'a-t-il pas conduit d'ailleurs la religion catholique, au 16ème siècle, à brûler, certains penseurs, pour leurs vues différentes ? [...]
[...] Le révisionniste remet en cause les témoignages les plus sûrs, il doute de l'existence de certains évènements tragiques de la seconde guerre mondiale (existence des chambres à gaz par exemple) et en somme, tente de minimiser l'importance du génocide du peuple juif. Pourquoi ce doute est-il condamnable ? Parce qu'il ne repose pas sur une volonté de se montrer objectif, mais au contraire, sur une idéologie raciste et xénophobe, purement subjective. En doutant de l'horreur et de la tragédie du passé de la seconde guerre, le révisionnisme fait en quelque sorte comme si la souffrance de ces hommes, de ces déportés, de ces fusillés, n'avait jamais existé. Nous avons pu le voir, le doute est, sous de multiples aspects, libérateur. [...]
[...] Bien sûr, rien ne nous permet, avec certitude, de savoir si l'autre nous ment ou est sincère. Mais ce contrat existe malgré tout. Si rien de ce que les autres nous disent ne pouvait être cru, comment pourrions-nous encore avoir confiance en eux, suivre leurs conseils par exemple, ou nous confier à eux ? La condition indispensable à toute société humaine, c'est le contrat, qui lui-même implique la confiance. Le doute, quand il est poussé à l'extrême, conduit à ne plus croire en rien, ni même en l'autre. [...]
[...] Comme le déclare Aristote, dans la Métaphysique, c'est parce que l'homme s'étonne, et donc remet en question ce qu'il croyait savoir, qu'il est conduit à progresser : il prend en effet conscience de son ignorance et ainsi, sa curiosité et son goût de la vérité vont l'amener à trouver de nouvelles réponses à ses questions. Et si nous doutons des apparences, nous pouvons même en venir à un doute radical, extrême : nous pouvons douter en effet de notre propre existence, de sa réalité. Et si tout ce que nous vivons n'était qu'un rêve ? Si tout ce que nous sentions n'était qu'illusion ? [...]
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