Comme suspension du jugement, le doute révèle l'ignorance et interdit l'action ; il est la marque de mon impuissance. Toutefois, le doute n'est pas nécessairement subi et peut-être, au contraire, l'instrument privilégié de la réflexion. D'où le problème : le doute est-il une faiblesse intellectuelle et morale, le signe de mon ignorance et de mon impuissance, ou bien au contraire réside-t-il essentiellement dans le pouvoir de réformer ses pensées ?
Est-il une force de résistance à l'égard de l'erreur dont il préserve la manifestation de la liberté de l'esprit ?
[...] Le doute est, comme tel, le produit de l'ignorance et de l'oubli. Il est le révélateur d'un défaut et d'une imperfection. La connaissance et l'affirmation de la vérité nous libèrent au contraire du doute: en effet, le doute témoigne d'une faiblesse intellectuelle ou culturelle, voire d'une faiblesse constitutive. Ainsi ignore-t-on ce que l'on devrait savoir ou ce qu'en tant qu'être imparfait, susceptible d'erreurs, on ne saura jamais. Le doute paralyse l'action Le doute n'est pas seulement un état d'esprit contraire à l'affirmation de la vérité, il entrave également l'action et la paralyse. [...]
[...] Le doute est donc la force par laquelle l'homme se révèle à lui-même comme conscience, comme être distinct de l'animal. Le doute est une attitude de l'esprit relative au pouvoir critique Cela dit, le doute n'est pas seulement une étape provisoire dans la recherche de la vérité, il désigne également une attitude permanente de l'esprit, attitude de suspicion et d'interrogation propre au pouvoir critique. En ce sens, il représente une force de dissolution de l'erreur et conduit moins à la possession d'une vérité définitive ou positive qu'au dévoilement des illusions. [...]
[...] Comme tel, il se présente plutôt sur le plan de la pensée, comme une force de dissolution de l'erreur. II- Le doute est une force quand il témoigne d'une pensée et a son origine dans une réflexion Le doute est rationnel Loin d'être ignorant, le doute est conduit par la raison: il résulte d'une démarche rationnelle, d'une réflexion, laquelle consiste à substituer le doute au préjugé, la suspension du jugement au jugement prévenu et précipité. Tout d'abord, un préjugé est un jugement prévenu en effet, c'est-à-dire un jugement antérieur au jugement, un jugement déjà constitué avant même d'avoir fait l'expérience ou la connaissance de la chose. [...]
[...] Empêché d'adhérer à ses anciennes certitudes, celui- ci est, comme Ménon, plongé dans le doute, du moins n'est-il plus dans l'état, ou, ignorant la vérité, il croyait la connaître. Ainsi la maïeutique de Socrate le fait-elle passer de l'ignorance qu'il ne sait pas au savoir qu'il ignore. En ce sens, le doute est l'effet d'une démarche rationnelle et volontaire, une étape dans la recherche de la vérité. Cependant, inhérent à la démarche philosophique, il est aussi et surtout la marque d'un esprit capable de se déprendre à tout moment de ses convictions ou intérêts immédiats. [...]
[...] Ce motif sera d'autant plus libre qu'il sera plus pensé, qu'il résultera d'une réflexion. Bref, le doute révèle l'absence d'un motif pour agir. Pour cette raison, Descartes affirme que la liberté d'indifférence est le plus bas degré de la liberté D'une part, le doute est accidentel, il est dû à un défaut objectif de savoir. D'autre part, sur le plan de l'action, il prend la forme de la faute, il témoigne d'une faiblesse de la volonté, voire d'une paralysie pathologique du libre arbitre. [...]
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