« économie » libidinale, Freud, Épicure, Don Juan, Spinoza, Kierkegaard, eudémonisme.
On pourrait voir dans la déclaration d'Épicure selon laquelle « le principe et la racine de tout bien est le plaisir du ventre, et tout ce qui est sage et bon a sa référence à lui » une position radicalement antithétique à celle de Platon.
Plutarque, au premier siècle de notre ère, représentant du moyen platonisme, parlant des épicuriens, écrit en effet : « Ils s'imaginent que c'est dans la région du ventre que le bien réside, [...] que " si " la chair accueille le plaisir par un petit nombre de ses parties, c'est par toutes quelle accueille la souffrance... Ces pauvres types usent de leur ventre comme d 'un compas pour circonscrire l'étendue de leur plaisir. »
[...] Ne doit-on pas se méfier du danger de devenir captif de la prise d'un plaisir ? Le plaisir n'est-il pas quelque chose qui sollicite notre accueil, de nos sens, et de tout notre être ? N'estce pas plutôt quelque chose que l'on doit accueillir avec gratitude, comme un don ? On pourrait voir dans la déclaration d 'Épicure selon laquelle le principe et la racine de tout bien est le plaisir du ventre, et tout ce qui est sage et bon a sa référence à lui une position radicalement antithétique à celle de Platon. [...]
[...] Or, le principe de tout cela et le plus grand des biens, c'est la prudence [ . source naturelle de toutes les autres vertus et enseigne qu'il n'est pas possible de mener une vie plaisante qui ne soit pas prudente ni une vie belle et juste qui ne soit pas plaisante ; car les vertus sont naturellement liées à la vie plaisante, et la vie plaisante en est inséparable. L'abandon à toutes les impulsions de l'instinct est justement le contraire du gouvernement réfléchi de la conduite. [...]
[...] Epicure ne fait en quelque sorte que l'éloge de la simplicité et de la frugalité. Le bien est une gestion intelligente, avisée des désirs dont le plaisir qui en couronne la satisfaction est plus reçu que pris. Le plaisir est donné par surcroît. Il est le signe de l'accomplissement heureux d'une fonction vitale. Il suffit de satisfaire les désirs naturels et nécessaires et de se garder de poursuivre ceux qui ne peuvent que nous entraîner dans la démesure, l'illimité, nous précipitant inévitablement dans l'insatisfaction, donc dans la douleur, dans la course à la prise. [...]
[...] À ce stade, on ne peut même plus dire que nous avons là une conception de la vie. En effet, si au premier abord, une telle course au plaisir peut se présenter au regard naïf comme souriante et pleine de séduction, Kierkegaard, dans sa description du stade esthétique où l'homme ne recherche que la jouissance immédiate à tout prix, a montré quelle témoigne d'un pessimisme profond et s'achève toujours par la désespérance, voire le suicide. Hégésias de Cyrène déjà tirait de la doctrine de son maître Aristippe cette conclusion logique autant qu'inattendue : la fin de la vie, c'est le plaisir, et puisque le plaisir nous fuit, nous glisse des doigts à chaque effort que nous faisons pour le saisir et pour le retenir, nous sommes voués à la douleur ; évitons la donc et pour cela mourons ! [...]
[...] Il s'agit donc ici, non pas de prendre son plaisir mais de savoir le recevoir, le savourer. Cicéron, lui aussi, insiste sur cette idée que le plaisir serait le simple bien- être, cette douceur suprême que l'on perçoit quand toute douleur a été éliminée. Dans sa Lettre à Menécée, Epicure est très explicite relativement aux plaisirs qui ne sont pas bons à prendre, demandant à un public mal informé de ne pas se méprendre sur le sens de sa pensée : Quand nous disons que le plaisir constitue la fin, nous ne parlons pas des plai sirs des libertins, ni de ceux qui consistent à jouir - comme le croient certains qui, ignorant de quoi nous parlons, sont en désaccord avec nos propos ou les prennent en un mauvais sens mais de l'absence de douleur pour le corps, et de l'absence de trouble pour l'âme. [...]
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