Depuis notre plus jeune âge, nous avons tous des préférences particulières vis-à-vis de la musique que nous entendons, des peintures que nous accrochons chez nous, des films que nous regardons, et plus largement, de l'art en général. Nous apprécions l'art de façon personnelle, c'est-à-dire que nous émettons un jugement esthétique dans lequel nous lions la satisfaction prise à la contemplation ou à l'écoute d'une œuvre d'art, au prédicat « beau » ou « laid ». Ainsi la raison semble autoriser une entière liberté de goût : « les goûts et les couleurs » sont tout à fait irrationnels, étrangers à la raison.
[...] Mais une œuvre d'art est la conception personnelle d'un artiste d'un monde qui lui est propre. C'est ainsi que lorsqu'on observe Les demoiselles d'Avignon de Picasso, on n'observe en aucun cas des jeunes filles en chair et en os, ce sont des jeunes filles qui habitent le monde mystérieux et retordu du peintre. Dès lors, être face à l'art, c'est naître au monde, comme l'a signalé Bachelard, avoir un regard neuf. Dans ce sens, la connaissance est limitée dans le domaine des arts puisqu'on ne saurait aborder l'art avec des préjugés et des pré-acquis. [...]
[...] De plus, si on limitait l'appréciation de l'art aux populations cultivées, on limiterait drastiquement son domaine. On oublierait l'importance de nombreuses œuvres d'art, jugées très belles dans un milieu non cultivé et qui dans les milieux des élites, ne dépasserait guère une représentation prosaïque. Subordonner le gout à la culture esthétique, c'est donner à l'art une fonction de distinction ; les œuvres d'art seraient réservées à certaines classes sociales, à celles des connaisseurs et inaccessibles à d'autres. On pourrait presque dire nous savons bien ce qui est beau, nous détenteurs du bon goût, nous allons le leur apprendre La fréquentation des musées, des salles de concert deviendrait la marque d'une supériorité sociale. [...]
[...] Tout le monde a la faculté d'apprécier l'art. Aucune norme ou explication ne précède une œuvre, elle s'explique par elle-même, il en va de même pour son jugement. Ainsi, nous observons que pour juger de la beauté d'une œuvre d'art, il ne faut pas une formation particulière. On peut ressentir quelque chose devant une œuvre d'art, et se laisser gagner par l'émotion qu'elle suscite, sans pour autant la comprendre. Or, comme nous le rappelle Socrate : peut-on apprécier sans comprendre, ou du moins ne passe-t-on pas à côté de l'essentiel si on ne comprend pas? [...]
[...] Dans la philosophie de Kant, l'art n'est pas la représentation d'une chose belle, mais la belle représentation d'une chose elle est la représentation issue de l'imaginaire de l'artiste s'ancrant, a priori, dans une esthétique. Dès lors, son objectif est de plaire ou non à un public quelconque, cultivé ou non. Ainsi l'œuvre d'art n'est ce qu'elle est, le fruit de l'inspiration, et devrait pouvoir sembler belle à tout le monde puisque tel et son objectif, sans devoir aller chercher au-delà d'elle-même. [...]
[...] Prétendre apprécier l'art sans culture est tout à fait impossible. Nous pouvons nous passer de l'érudition, qui peut rester superflue voire absente, mais nous ne pouvons pas nous arracher à notre culture. Si un africain trouve les danses et décorations rituelles de sa région belles, alors qu'un jeune de la banlieue préfère le plaisir procuré par le rap, c'est parce que nous acceptons volontiers l'art du milieu dans lequel nous baignons et cette appréciation culturelle peut passer comme naturelle et arbitraire. [...]
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