Il s'agit de bien distinguer les trois types de discours. Le discours pratique à efficacité immédiate, le discours théorique qui doit rendre compte de l'univers du discours, de sa possibilité, d'un point de vue pratique exclusif de tout autre (Théologique, Scientifique ou Moral), sous une forme axiomatique, sceptique ou dogmatique, et qui ne rend pas compte de lui-même comme discours. Le discours philosophique, enfin, qui se spécifie de rendre compte de sa propre énonciation, de sa position historique et sociale, soumettant sans cesse son propre discours à la critique, dans le rapport dialectique à l'Autre.
L'objet du discours n'est pas le même selon le point de vue théorique adopté. L'Être-donné, la Réalité-objective et l'Existence-empirique ne sont pas identiques. Le discours de la science construit une Réalité-objective purement symbolique par ses dispositifs expérimentaux et sans aucune commune mesure avec l'Être-donné de la théologie ou l'Existence-empirique du sujet moral. La science ne peut rendre compte de la liberté humaine, elle ne peut qu'aligner les limitations à cette liberté comme Logique, Sociologie, Histoire, Psychologie, Psychanalyse. Mais la liberté humaine est liée à l'arbitraire du discours qui fonde la communauté inter-subjective avec l'histoire irréversible faisant objection au temps cyclique et promis à la finitude. La théorie dogmatique de la liberté n'est pas encore la liberté elle-même mais seulement son idéologie qu'il faut réaliser en acte, au risque de sa vie.
[...] Mais, pour nous, le Discours n'est rien d'autre que la Négation agissante dans ce " comportement" qui le suppose ainsi, sans que celui-ci le présuppose. La finitude du discours humain Or si les processus qui se disent humains (psychiques, sociaux, historiques ou autres) et dont il y a par conséquent un sens de parler, ne sont ni indéfinis ni infinis au sens propre, ils ne peuvent pas non plus être cycliques. Avant de parler de soi comme d'un processus parlant (ou : pour pouvoir le faire), le processus qui parle lui-même doit d'abord parler sans parler de soi. [...]
[...] La différence fondamentale est pourtant qu'au lieu de référer cet esseulement face au monde à une intériorité ou au rassemblement dans le langage d'une cause qui nous traverse, Kojève maintient avec Hegel qu'il s'agit d'un rapport à l'Autre, une lutte de pur prestige, qui se réduit chez Heidegger à la communauté comme condition du langage (Les mots résultent de cet accord essentiel des hommes les uns avec les autres, accord en vertu duquel, dans leur être-en- compagnie, ils sont ouverts à l'étant qui les entoure - étant sur lequel, dans le détail, ils peuvent s'accorder, ce qui signifie du même coup ne pas s'accorder. p446 cette possibilité de tromper et se tromper étant essentielle à toute parole). [...]
[...] On peut savoir que notre point-de-vue dépend de notre position, y compris temporelle, sans renoncer à rendre compte de notre énonciation. Cette limite extra-discursive est cyclique en tant que telle bien qu'elle reste soumise à l'histoire humaine. En parler ne se réduit pas à un bavardage contradictoire et silencieux mais permet de distinguer les contraintes formelles. Le Savoir absolu ayant encore à exprimer les transformations réelles de l'histoire et rendre compte de notre existence en acte, la réalité du savoir absolu dépend entièrement de sa formulation : il doit encore se prouver à chaque instant constituant une éthique du discours. [...]
[...] Par contre, la réalité-objective est irréductiblement double (en tant que deux ou "Dyade"). Ainsi, la réalité-objective se ramène à une Opposition-irréductible, qui est spatio-temporelle en ce sens qu'elle est "mouvante" ou "dynamique", étant une Interaction dans et par la Résistance réciproque. Et (pour Démocrite, comme plus tard pour Hegel et Maine de Biran, parmi d'autres c'est dans et par cette résistance, voire en tant que celle-ci, que la réalité-objective se révèle aussi comme phénomène dans la durée- étendue de l'Existence-empirique, qui implique aussi l'existence humaine qui parle de sa vie animale ou consciente. [...]
[...] En fait, l'Empirisme anglo-français s'est trompé sur ce point. D'ailleurs, l'expérience de l'histoire (antique, médiévale et moderne) des relations entre la Philosophie et les "sciences" discursives non philosophiques (théoriques ou pratiques) ne permettait d'en tirer qu'une seule "morale", à savoir celle qu'en a tiré Kant, et non l'Empirisme. L'histoire en question a montré à plusieurs reprises que toutes les tentatives de définir (=délimiter) la Philosophie en lui réservant le monopole de certains "sujets" (de discours), c'est-à-dire en en excluant tous les autres "sujets", se soldèrent par des échecs. [...]
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