Comment distingue-t-on et comment se distingue un classique ?

Thèmes abordés

Classique, notion de classique, processus socio-historique, œuvres classiques, grands courants de pensée, incarnation d’un modèle en soi

Résumé du document

Le terme « classique » a une place tout à fait importante dans le vocabulaire que nous utilisons quotidiennement. Qu'il le soit de manière usuelle comme une expression ou bien même qu'il investisse le domaine du marketing dans sa version anglaise (le Blackberry classic, les Lego classic...) l'utilisation plus large et triviale du mot a sans aucun doute pour corollaire une précision moindre. Plusieurs sens peuvent ainsi apparaître de sorte qu'il devient nécessaire de s'interroger sur les origines et le processus qui aboutit à cette qualification de « classique ».
En se focalisant sur le domaine artistique ou plus académique, lorsqu'il s'agit de parler d'Histoire ou de grands courants de pensée, la notion de classique n'en reste pas moins pluridimensionnelle et ambivalente. Observer ce qu'est un classique et comment une oeuvre, un artiste, voire une période, acquiert le rang de classique nous éclaire sur les implications d'une telle assertion.

Extraits

[...] Ainsi on peut parler du groupe de rap IAM comme un des groupes classiques du rap français comme l'on peut dire que Rimbaud est un classique de la poésie du XIXe siècle. Bien que ces titres ne soient pas accordés par la même population, en partie du fait de l'histoire de ces champs artistiques (le rap n'a pas la reconnaissance académique de la poésie en général), les premiers tendent aussi à intégrer une culture générale que le plus grand nombre peut facilement mobiliser. [...]

[...] Cette primauté de la valeur d'échange sur la valeur d'usage s'illustre également par le succès des manuels de culture générale comme la collection Pour les Nuls qui répertorie justement l'ensemble des biens symboliques réutilisables en société en faisant fi de la lecture et donc de la valeur d'usage. Il s'agit pour le lecteur d'enregistrer le plus grand nombre de connaissances sur un domaine précis afin d'avoir un aperçu global d'un pan de la culture générale admise à l'échelle d'une société ou d'un groupe et des savoirs qui ne lui feront pas perdre la face s'il devait être en situation d'évoquer ces classiques. [...]

[...] Notre première définition de ce qui est classique pourrait être celle d‘une œuvre qui répond à des normes esthétiques précises. Cette définition s'accorde avec l'idée qu'une œuvre classique est avant tout un modèle, et que comme tout modèle, elle a vocation à être étudiée pour ce qu'elle est : un idéal esthétique de mesure, de beauté, de clarté. En ce sens, l'œuvre classique tire son origine de la période elle-même dite classique et se réfère à ce que l'on a nommé le classicisme, le mouvement culturel en France puis en Europe qui a consacré en art au XVIIe siècle une esthétique fondée sur la raison, la perfection et l'imitation des Anciens. [...]

[...] Ce peuvent être les Pères fondateurs d'une discipline académique comme en Économie où Smith et Marx, bien que sensiblement opposés et n'ayant pas vécu aux mêmes périodes, sont considérés tous deux comme des Économistes classiques. En Histoire, certaines périodes sont qualifiées de classique et renvoient à l'idée d'un âge d'or : on parle de l'Époque classique en Grèce antique durant laquelle les valeurs et les institutions politiques du monde grec se développent considérablement, du Grand siècle d'Auguste à Rome où règnent la paix et la prospérité au sein de l'Empire, ou du Grand siècle de Louis XIV qui promeut militairement et culturellement le Royaume de France en Europe. [...]

[...] Se cantonner à cette explication faisant de l'œuvre classique une œuvre répondant à un idéal prédéterminé paraît toutefois insuffisant puisque le terme classicisme qui balaie l'ensemble de ce courant a lui-même été inventé quelques décennies plus tard par Stendhal, semble-t-il. L'œuvre classique est donc classique, car elle répond aux règles du classicisme certes, mais aussi parce qu'elle a été désignée et reconnue ensuite comme digne d'intérêt. L'étymologie du terme classique est classicus, de la première classe en latin, donc ce qui est le meilleur. [...]