« Qui dit savoir dit pouvoir », dit Bacon. Ainsi, posséder une connaissance confèrerait au sujet une puissance, une faculté qui lui permettrait de dominer les autres. Et il est vrai que pouvoir et savoir ne vont pas l'un sans l'autre : le pouvoir, pour s'exercer de manière indirecte, doit constituer un savoir et des techniques de savoir, et tout savoir établi permet et assure l'exercice d'un pouvoir. Par exemple, savoir comment fonctionne la démographie permet de connaître la population et de la contrôler. Il s'agit alors de questionner leurs rapports d'implication, mutuelle ou non : le verbe « impliquer » peut en effet être compris dans deux sens. L'implication est avant tout une relation logique consistant en ce que d'une chose en découle une autre. Mais mis à part ce lien de cause-conséquence, le verbe impliquer peut garder son sens latin, de implicare, qui signifie « plier dans », ou « envelopper » : ainsi, impliquer signifie engager dans un processus, concerner, ou comporter de façon implicite. Il s'agit donc de se demander si le savoir donne lieu au pouvoir, ou s'il comporte en lui le pouvoir. Apparaît alors la notion de pouvoir au sens auquel nous l'entendons le plus souvent, au sens du pouvoir politique : il s'agit d'un rapport de domination.
[...] Avant toute action, avant l'exercice de tout pouvoir, il faut donc avoir conscience de son savoir, ou plutôt de son ignorance. Il ne suffit pas de croire que l'on sait mais de savoir ce que l'on ignore encore : l'illusion du savoir se dresse donc comme la plus grande entrave au savoir. Ainsi, ce qui différencie le philosophe de l'homme de pouvoir (ou plutôt de l'homme d'action) consiste à dire que le philosophe cherche à savoir (tout en étant conscient qu'il ne sait pas), tandis que l'homme d'action vit uniquement dans le hic et nunc, dans l'urgence de la situation. Ainsi, dans Le Prince, Machiavel met en évidence la nécessité pour l'homme de pouvoir, le politique, le prince, d'être « pragmatique » : le prince est celui qui sait prendre les bonnes décisions au bon moment. Le pouvoir comme le savoir est à prendre, et ce qui le prédestine réside dans la volonté : la « volonté de savoir » ou la volonté de pouvoir ; en d'autres termes, la différence entre celui qui a le pouvoir et celui qui ne le possède pas vient du fait que le premier a osé agir, a eu la volonté d'agir, et l'autre non. C'est donc la volonté de l'homme qui reste la source du savoir et la source du pouvoir. Mais savoir et pouvoir ne fonctionnent pourtant pas de paire, et si l'un peut aller sans l'autre, il est parfois nécessaire de les séparer (...)
[...] Qui dit savoir dit pouvoir dit Bacon. Ainsi, posséder une connaissance confèrerait au sujet une puissance, une faculté qui lui permettrait de dominer les autres. Et il est vrai que pouvoir et savoir ne vont pas l'un sans l'autre : le pouvoir, pour s'exercer de manière indirecte, doit constituer un savoir et des techniques de savoir, et tout savoir établi permet et assure l'exercice d'un pouvoir. Par exemple, savoir comment fonctionne la démographie permet de connaître la population et de la contrôler. [...]
[...] On peut même aller plus loin en disant que parfois le savoir est un obstacle à l'action. On peut en effet citer la célèbre formule de Socrate, que Platon rapporte dans L'Apologie de Socrate : Je sais que je ne sais rien Ce que Socrate veut dire, c'est que celui qui croit savoir ne cherche pas, ou du moins il ne cherche plus : par conséquent, celui qui sait n'est ni le sage ni le philosophe, qui sont tous deux caractérisés par leur activité de recherche : par conséquent, seul le savoir réflexif implique un pouvoir : il faut être conscient de son savoir, il faut savoir que l'on sait pour parler d'un véritable pouvoir d'une véritable action ou d'une véritable autorité. [...]
[...] Mais impliquer ne signifie pas seulement engendrer mais aussi contenir, envelopper : on peut alors se demander si tout savoir implique la présence préalable d'un pouvoir, ou, en d'autres termes, si un pouvoir peut donner lieu à un savoir. En réalité, force est de constater que pour savoir quelque chose, il faut être en mesure d'acquérir cette connaissance. Par exemple, pour savoir écrire, il faut avoir le pouvoir d'apprendre à écrire. Le pouvoir au sens de capacité est donc une condition préalable nécessaire du savoir, car on ne peut rien savoir, on ne peut rien apprendre si on n'est pas en mesure de le faire. [...]
[...] La première forme de pouvoir est de l'ordre de la capacité, tandis que le pouvoir qui découle du savoir, comme nous l'avons dit, est de l'ordre de la domination. On peut ensuite se poser la question suivante : suffit-il de savoir pour pouvoir ? Si l'on entend par pouvoir l'ensemble des moyens susceptibles de se procurer, au terme d'une action, un bien espéré le savoir peut être un des moyens nécessaires à la poursuite de cette fin. Savoir c'est donc pouvoir. [...]
[...] Il semble évident que le savoir théorique entraîne une forme de pouvoir qui s'apparente à la capacité, à l'action : savoir que les résonnances déclenchent une avalanche permet de prévenir le phénomène, savoir que la pression de ma main sur un objet le fera bouger me permet de déplacer cet objet, etc. Le savoir que implique donc un pouvoir au sens de capacité, au sens d'action. En effet, le savoir théorique doit préexister au savoir pratique, puisque pour savoir comment jouer du piano, il faut d'abord savoir qu'il faut appuyer sur les touches pour produire un son. Le savoir théorique entraîne une action qui permet de perfectionner le savoir pratique, le savoir-faire. [...]
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