Si la justice a, depuis la Monarchie de Juillet, beaucoup changé, elle reste cependant la cible des caricaturistes, et offre toujours prise à la critique. Des voix nombreuses reprochent à la justice son défaut d'indépendance, sa partialité. D'autres, à l'inverse, l'accusent de s'immiscer dans les affaires publiques, de se prononcer sur les affaires de l'État sans en avoir la légitimité, bref, d'entraver, à la manière des Parlements de l'Ancien Régime, la conduite des affaires publiques. Trop éloignés du pouvoir politique, les juges sont accusés d'agir en oubliant leur appartenance à l'État et en se désolidarisant du gouvernement et du Parlement, interprètes dûment mandatés de la souveraineté nationale. Trop proches du jeu politique, la justice est soupçonnée de collusion, et l'on craint une justice inféodée aux puissants, perméable aux passe-droits et coupable d'indulgences pour l'establishment. Les reproches adressés à la justice tiennent donc à ce qu'elle est à la fois l'un des trois pouvoirs distingués par Montesquieu, ainsi qu'une autorité réputée indépendante, indépendance dont, aux termes de l'article 64 de la Constitution, le président de la République est le garant. C'est donc l'ambiguïté de son positionnement qui l'expose aux critiques.
[...] C'est au pouvoir politique qu'il revient de rendre la justice. L'État est en effet l'arbitre transcendant capable de trancher les conflits agitant les citoyens. C'est à lui que revient le soin de protéger la société contre les crimes et les délits y portant atteinte. Dans la France monarchique, le premier devoir du roi était d'ailleurs de rendre la justice à tous ses sujets, comme le rappelle Michel de l'Hospital devant les États généraux d'Orléans en 1560 : Les rois ont été élus premièrement pour faire justice. [...]
[...] La commission Bouchet, chargée de réfléchir sur l'accès au droit et à la justice (2001), recommandait d'ailleurs d'en assouplir les critères d'éligibilité afin d'en faire bénéficier une population plus nombreuse La complexité des procédures et du langage est également une barrière symbolique importante, à laquelle les pouvoirs publics cherchent à porter remède. La complexité du langage juridique constitue une barrière symbolique qui, si l'on n'y prend garde, peut décourager certains citoyens de faire valoir leurs droits auprès de la justice. Le jargon juridique apparaît en effet parfois réservé aux seuls initiés. Les termes techniques utilisés par les professionnels, parfois volontiers archaïsants, peuvent déconcerter les justiciables. [...]
[...] Jean Carbonnier, dans l'ouvrage précédemment cité, constate qu'en effet la passion du droit de notre société ne tient pas seulement à la nostalgie jacobine d'un pouvoir politique transformant la société à travers les textes normatifs qu'il sécrète, mais aussi au poids grandissant des droits subjectifs. Le pullulement des désirs qui agitent la société trouve une traduction juridique à travers ces droits individuels : La passion du droit dans la société s'enflamme d'être la projection désordonnée d'une infinité de passions individuelles, en rivalité entre elles, ego contre ego. Chaque droit subjectif arrive à la lumière armé d'une action de justice, débordant de prétentions nouvelles. [...]
[...] Les Parlements rendaient sous l'Ancien Régime la justice au nom du roi, et tiraient de leurs privilèges une puissance considérable. À l'origine, l'exercice de la justice se confond avec l'exercice du pouvoir. À l'époque féodale, chaque feudataire rendait sa justice, et les juridictions s'entremêlaient sans grande cohérence : juridictions royales, seigneuriales, ecclésiastiques, tribunaux des prévôtés, bailliages et sénéchaussées, juridictions d'exception et parlements, etc. Ces juridictions se sont progressivement unifiées autour de la Curia Regis (Cour du roi), laquelle s'est, schématiquement, scindée entre le Conseil du roi (ancêtre du Conseil d'État), la chambre des comptes (ancêtre de la Cour des comptes) et le Parlement chargé des affaires judiciaires. [...]
[...] Pour Pascal, dans ses Pensées, l'autorité repose sur l'imagination des hommes. Qui dispense la réputation, qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Or l'appareil judiciaire sait jouer de cette fascination qu'inspire, pour reprendre le terme de Pascal, la grimace Sa solennité, les robes écarlates des juges, la pompe des palais de justice, son langage mystérieux, tout concourt à asseoir l'autorité de la justice, et participe de son pouvoir symbolique. [...]
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