L'analyse de la poétique d'Aristote ne dégage pas un domaine spécifique qui serait celui de l'artiste. Celui-ci est considéré dans la conception classique de l'art comme un artisan parmi d'autres, c'est-à-dire quelqu'un dont le métier est d'imiter la nature, de même que le boulanger cuit du pain et le savetier coud des souliers. L'art est dans ce contexte l'équivalent d'une technique, d'un tour de main.
Sommaire
Introduction
I) Depuis l'époque romantique, la création artistique relèverait essentiellement du génie individuel, et s'accommoderait donc mal de la dimension collective de l'action politique, au point que certains artistes sont tentés de se détourner complètement des préoccupations de la société
A. L'oeuvre d'art permet dans la conception romantique de manifester l'absolu sous une forme sensible, et se trouve investie d'un pouvoir transcendant, voire d'une dimension religieuse, qui l'éloigne des contingences politiques 1. La création artistique, dans la vision romantique, est le mode d'expression des aspirations les plus élevées de l'homme, puisqu'elle permet à l'absolu de se manifester 2. L'oeuvre d'art se trouve même parfois investie d'une dimension religieuse, presque mystique
B. La création artistique est un acte individuel relevant du propre génie de l'artiste, réputé inadapté à la vie sociale 1. Dans la conception romantique, l'artiste est un paria inadapté à la vie en société 2. Animé par son génie, inspiré par son imagination, l'artiste, outre son moi social, est avant tout un « autre moi »
C. La tentation de l'art pour l'art traduit la volonté de certains artistes de fuir la réalité sociale, à moins que cette retraite dédaigneuse ne constitue, en creux, une prise de position politique 1. La doctrine parnassienne de l'art pour l'art invite l'artiste à se consacrer à la seule recherche de la beauté plastique, indépendamment de toute préoccupation morale ou politique 2. Le silence même de ces artistes constitue pourtant, d'une certaine manière, une forme d'engagement politique en creux
II) Toutefois, l'artiste étant soumis à la tentation de l'engagement politique, et le pouvoir étant enclin à instrumentaliser la création artistique, art et politique entretiennent des relations à la fois conflictuelles et incestueuses
A. L'engagement dans l'espace public constitue pour certains altistes un impératif moral, et pour d'autres un risque à ne courir qu'avec précaution 1. L'appellation d'artiste engagé recouvre une multitude de situations, tous ne faisant pas preuve du même militantisme, ou ne l'exprimant pas de la même façon 2. Les prises de position des artistes engagés sont plus ou moins tonitruantes 3. L'engagement dans la vie publique n'est pas sans présenter certains risques pour les artistes
B. Support de la mise en scène du pouvoir, l'art peut se trouver encouragé, instrumentalisé, voire subordonné à des impératifs politiques 1. L'art permet d'immortaliser les hauts faits du prince mais également de mettre en scène les vertus d'un régime 2. Le mécénat traduit à la fois l'alliance du prince et de l'artiste, mais ne doit pas faire oublier que derrière chaque protecteur désintéressé des arts, se cache un influent commanditaire 3. Les régimes autoritaires ou totalitaires, soucieux de bâillonner toute voix discordante, imposent aux artistes la censure et le dirigisme
III) Loin d'appeler de ses voeux, comme le philosophe, l'expulsion des artistes de la Cité, le pouvoir politique préfère au contraire encourager la démocratisation des activités artistiques, sans grand succès jusqu'à présent
A. Si le philosophe peut vouloir expulser l'artiste de la cité... 1. Pour Platon, les artistes doivent être expulsés de la cité idéale car la qualité de leur imitation fait prendre le faux pour du vrai, l'apparence pour la réalité 2. Les arts émollients ne sont pas dignes de peuples vertueux, qui doivent laisser là ces activités corruptrices
B. ... les pouvoirs publics, à travers la « politique culturelle », s'efforcent au contraire de promouvoir la création artistique et d'en assurer une diffusion démocratisée... 1. La politique culturelle est, à l'origine, essentiellement une politique de conservation patrimoniale 2. La Troisième République reste encore très libérale et timide 3. C'est une volonté de démocratisation culturelle qui inspire la politique culturelle depuis l'après-guerre
C. ... sans pour autant permettre de réduire suffisamment les inégalités sociologiques d'accès à la culture, en raison notamment de la timidité de la politique d'éducation artistique 1. La démocratisation de la culture présente un bilan en demi-teinte... 2. ... qu'une réorientation vers la pédagogie permettrait éventuellement de corriger
Conclusion
Introduction
I) Depuis l'époque romantique, la création artistique relèverait essentiellement du génie individuel, et s'accommoderait donc mal de la dimension collective de l'action politique, au point que certains artistes sont tentés de se détourner complètement des préoccupations de la société
A. L'oeuvre d'art permet dans la conception romantique de manifester l'absolu sous une forme sensible, et se trouve investie d'un pouvoir transcendant, voire d'une dimension religieuse, qui l'éloigne des contingences politiques 1. La création artistique, dans la vision romantique, est le mode d'expression des aspirations les plus élevées de l'homme, puisqu'elle permet à l'absolu de se manifester 2. L'oeuvre d'art se trouve même parfois investie d'une dimension religieuse, presque mystique
B. La création artistique est un acte individuel relevant du propre génie de l'artiste, réputé inadapté à la vie sociale 1. Dans la conception romantique, l'artiste est un paria inadapté à la vie en société 2. Animé par son génie, inspiré par son imagination, l'artiste, outre son moi social, est avant tout un « autre moi »
C. La tentation de l'art pour l'art traduit la volonté de certains artistes de fuir la réalité sociale, à moins que cette retraite dédaigneuse ne constitue, en creux, une prise de position politique 1. La doctrine parnassienne de l'art pour l'art invite l'artiste à se consacrer à la seule recherche de la beauté plastique, indépendamment de toute préoccupation morale ou politique 2. Le silence même de ces artistes constitue pourtant, d'une certaine manière, une forme d'engagement politique en creux
II) Toutefois, l'artiste étant soumis à la tentation de l'engagement politique, et le pouvoir étant enclin à instrumentaliser la création artistique, art et politique entretiennent des relations à la fois conflictuelles et incestueuses
A. L'engagement dans l'espace public constitue pour certains altistes un impératif moral, et pour d'autres un risque à ne courir qu'avec précaution 1. L'appellation d'artiste engagé recouvre une multitude de situations, tous ne faisant pas preuve du même militantisme, ou ne l'exprimant pas de la même façon 2. Les prises de position des artistes engagés sont plus ou moins tonitruantes 3. L'engagement dans la vie publique n'est pas sans présenter certains risques pour les artistes
B. Support de la mise en scène du pouvoir, l'art peut se trouver encouragé, instrumentalisé, voire subordonné à des impératifs politiques 1. L'art permet d'immortaliser les hauts faits du prince mais également de mettre en scène les vertus d'un régime 2. Le mécénat traduit à la fois l'alliance du prince et de l'artiste, mais ne doit pas faire oublier que derrière chaque protecteur désintéressé des arts, se cache un influent commanditaire 3. Les régimes autoritaires ou totalitaires, soucieux de bâillonner toute voix discordante, imposent aux artistes la censure et le dirigisme
III) Loin d'appeler de ses voeux, comme le philosophe, l'expulsion des artistes de la Cité, le pouvoir politique préfère au contraire encourager la démocratisation des activités artistiques, sans grand succès jusqu'à présent
A. Si le philosophe peut vouloir expulser l'artiste de la cité... 1. Pour Platon, les artistes doivent être expulsés de la cité idéale car la qualité de leur imitation fait prendre le faux pour du vrai, l'apparence pour la réalité 2. Les arts émollients ne sont pas dignes de peuples vertueux, qui doivent laisser là ces activités corruptrices
B. ... les pouvoirs publics, à travers la « politique culturelle », s'efforcent au contraire de promouvoir la création artistique et d'en assurer une diffusion démocratisée... 1. La politique culturelle est, à l'origine, essentiellement une politique de conservation patrimoniale 2. La Troisième République reste encore très libérale et timide 3. C'est une volonté de démocratisation culturelle qui inspire la politique culturelle depuis l'après-guerre
C. ... sans pour autant permettre de réduire suffisamment les inégalités sociologiques d'accès à la culture, en raison notamment de la timidité de la politique d'éducation artistique 1. La démocratisation de la culture présente un bilan en demi-teinte... 2. ... qu'une réorientation vers la pédagogie permettrait éventuellement de corriger
Conclusion
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Extraits
[...] Les pouvoirs publics en ont tiré les conséquences à partir de 1981. L'objectif assigné à la politique culturelle est en effet désormais de rendre accessibles les grandes œuvres de l'art et de l'esprit et non plus seulement les œuvres capitales de l'humanité La politique culturelle rompt par conséquent en partie avec une vision hiérarchisée des disciplines artistiques, établissant une cloison étanche entre les ans majeurs et mineurs, ou tout du moins vise à l'infléchir, au grand dam de certains commentateurs y voyant le triomphe d'un relativisme niveleur (Marc Fumaroli : On voit Auguste et Mécène, mais où est Virgile ? [...]
[...] Voilà l'idée bonapartiste à jamais pilorisée par vous. Or Ratapoil disparut des dessins de presse après le coup d'État du 2 décembre 1851. Les artistes engagés courent un second risque, moins spectaculaire, mais bien réel, celui de la mauvaise conscience. En mettant son art au service de ses passions politiques, l'artiste ne risque-t-il pas de trahir son idéal esthétique ? Ce sont notamment ces angoisses qui étreignirent Lamartine, cherchant dans ses Odes politiques à justifier par rapport à l'idéal poétique son engagement politique en faveur de la République : Non, sous quelque drapeau que le barde se range, La muse sert sa gloire et non ses passions ! [...]
[...] L'œuvre d'art permet dans la conception romantique de manifester l'absolu sous une forme sensible, et se trouve investie d'un pouvoir transcendant, voire d'une dimension religieuse, qui l'éloigne des contingences politiques La création artistique, dans la vision romantique, est le mode d'expression des aspirations les plus élevées de l'homme, puisqu'elle permet à l'absolu de se manifester. L'œuvre d'art est un artefact, un objet, et relève de la perception sensible. Cependant, depuis la fin du XVIIIe siècle et le développement de la sensibilité romantique, on attribue un contenu quasi spirituel à l'œuvre d'art. [...]
[...] Honoré Daurnier, dont on a vu quel contenu subversif il accordait à son œuvre, sculptures et gravures confondues, l'éprouva directement. Le personnage de Ratapoil créé par Daumier dans les caricatures qu'il publiait dans le Charivari à partir de juillet 1850, incarne le type du militant césariste, partisan de Louis- Napoléon Bonaparte, militariste, prêt à faire le coup de poing sur les grands boulevards, portant haut la moustache et la barbe à l'image de son héros. On rapporte que Michelet, en visite dans l'atelier de l'artiste, se serait écrié : Ah ! Vous avez atteint en plein l'ennemi ! [...]
[...] Et une troisième, celle du peintre. Le peintre est imitateur de ce dont les deux autres sont les ouvriers (pire encore, il recopie ce qui déjà n'est qu'apparence) l'imitation est donc loin du vrai. Dans la conception classique, l'art offre le plaisir du trompe-l'œil, de l'imitation réussie, et joue, au mieux, un rôle éducateur ou cathartique. Contrairement au philosophe, dont le pouvoir de la raison lui permet de s'affranchir des apparences, l'artiste n'a donc pas sa place dans la cité idéale Les arts émollients ne sont pas dignes de peuples vertueux, qui doivent laisser là ces activités corruptrices. [...]
L'analyse de la poétique (la création qui vise à imiter le réel) d'Aristote ne dégage pas un domaine spécifique qui serait celui de l'artiste. Mais depuis l'époque romantique, le crédit accordé à la création artistique est immense, car elle permettrait à l'homme d'exprimer ce qu'il porte en lui de plus noble (Kant, Critique de la faculté de...