Dissertation : Vous n'aurez pas de peine à lutter contre les préjugés des autres ; votre bon sens y suffira. C'est contre vous-même qu'il faudra lutter.
[...] ] Lorsque nous réussissons à pénétrer une réalité de cette sorte, nous pouvons être sûrs qu'elle se cache également dans notre propre vie. Cet antique aveuglement règne peut-être où nous l'attendions le moins, je veux dire en ce qui concerne notre propre moi. Nous ne nous percevons pas nous-même comme individu, et l'image de notre cadavre échappe à notre représentation. Dans notre organisation extrêmement ramifiée, le moi est la suprême forteresse où s'est retiré l'aveuglement vital, et c'est de là qu'il effectue ses sorties. [...]
[...] Il faut, pour engager une lutte authentique contre nos préjugés, reconnaître le critère de leur puissance mais aussi de leur nécessité. Le préjugé apparaît de la sorte comme un obstacle, obstacle d'autant plus difficile à abattre qu'il s'inscrit dans notre expérience la plus commune et la fonde. Comment en effet, un menuisier qui connaît et travaille une matière comme le bois, pourrait-il entendre que celle- ci est constituée d'atomes invisibles, lesquels supposent des quantas, c'est-à-dire des particules élémentaires qui échappent à toute détermination de mouvement et de position ? [...]
[...] Et cette vision ouvre toujours sur le théâtre d'une autre vision. Le jugement semble donc toujours devoir se construire dans l'ellipse une ligne de fuite. A travers une série d'analogies, de métaphores, dont nous ne sommes pas les maîtres mais les productions. Comme les personnages que dépeint Junger dans son oeuvre, il semble bien que nous soyons nos propres métaphores et les métaphores du monde qui nous a construit. Le jugement n'est donc pas une décision arbitrale concluant une expérience de pensée mais la détermination de notre être dans l'action, laquelle donne le sens de notre présence au monde au moment où elle s'accomplit. [...]
[...] Il faut se garder de trancher sur la valeur des positions d'autrui et s'exercer plutôt à interpréter les mécanismes passionnels et perceptifs qui les conditionnent. Lorsque nous jugeons mal, lorsque nous préjugeons, c'est souvent que notre connaissance est simplement obscurcie par une position passionnelle. Comment entendre cette nature passionnelle de l'homme ? Pour Descartes, celle- ci supposait une confrontation, un combat entre nos facultés rationnelles et notre nature corporelle. Cette ambivalence imposait une limite à notre capacité de comprendre et à nous gouverner nous- même. [...]
[...] Ici le dépassement de nos propres préjugés suppose que nous entreprenions une sortie de nous- mêmes, qui est paradoxalement le véritable mode d'expression de notre être. Le préjugé doit donc être considéré comme un manque d'expression de notre puissance, puissance qui suppose une connaissance toujours plus parfaite de nous- même et du monde. Le préjugé n'est donc pas seulement un manque de compréhension, il est aussi ce par quoi nous ne pouvons accéder à la plénitude de ce que nous devons être. Il est la marque d'une affection triste. [...]
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