Dans Le Monde du 13 juin 1978, Jankélévitch déclare : « On ne peut pas vraiment parler du temps puisqu'on met du temps à parler et même à penser. Le temps est à la fois dedans et dehors, donc il n'est pas objet ». La notion de temps, en tant que dimension de la réalité, est très présente dans notre langage, mais est surtout très débattue dans les ouvrages philosophiques anciens et modernes. Pourtant, il n'existe pas de définition précise du temps, mais de nombreuses et différentes conceptions de celui-ci (...)
[...] Telle est l'ironie de notre existence en rapport avec le temps. Pourtant, comme nous le fait remarquer Merleau-ponty, dans la Phénoménologie de la Perception, "Le temps demeure le même parce que le passé est un ancien avenir et un présent récent, le présent un passé prochain et un avenir récent, l'avenir enfin un présent et même un passé à venir, parce que chaque dimension du temps est traitée ou visée comme autre chose qu'elle-même . Ainsi, l'homme se méprend sur la nature du temps. [...]
[...] Nous désirons connaître notre futur. Pour constater cela, il suffit de se rendre dans un lieu public et de compter le nombre de personnes lisant leur horoscope, ou bien de se référer à la tradition des vœux du nouvel an. Nous formons des souhaits, nous construisons des projets, nous tentons par tous ces moyens de prendre possession d'un futur qui nous paraît toujours trop incertain. Pourtant, comme l'écrit Arthur Schopenhauer, dans les Aphorismes sur la sagesse de la vie, Il ne faut pas empiéter sur l'avenir en demandant avant le temps, ce qui ne peut venir qu'avec le temps car le futur se définit avant tout par l'inaccompli. [...]
[...] L'homme est objectivement marqué par le changement incessant du temps en apparence, mais ce qui fait son malheur, c'est qu'il est également subjectivement marqué par le temps dans son esprit. Bien sûr, s'il devait sans cesse penser à son sort funeste, il ne pourrait pas vivre. Dans sa conception du temps, celui-ci fuit, s'écoule. Cette métaphore de la fuite si vivement ressentie par l'homme évoque l'irréversibilité du temps. Le présent sombre dans le passé, celui-ci s'éloigne, et nous tentons de le retenir en vain. [...]
[...] Par exemple, lorsque nous nous souvenons de notre enfance, étant à présent adulte, nous ne voyageons pas à travers le temps : notre souvenir n'appartient ni au passé, ni au futur. De la même manière, lorsque nous formulons un souhait, ou que nous construisons un projet, ceux-ci sont actuels et non futurs. Ils ne sont pas des faits accomplis, ils ne sont que le fruit notre imagination et sont donc ancrés dans le présent. Il est donc possible pour l'homme d'échapper au temps, et donc, au malheur que la conception que nous avons de celui-ci nous procure. [...]
[...] Et chaque fois qu'il y a du temps qui passe, il y a quelque chose qui s'efface L'homme craint l'oubli. Il sait que la mémoire lui fera défaut, et il s'accroche au passé, à ce passé qui n'est plus, et en voulant tendre de la sorte au bonheur, il engendre son propre malheur. Le futur apparaît à l'homme comme un jeu de loto. Il ne sait jamais si en misant sur des événements qui devraient se dérouler dans un avenir proche, il ne s'induit pas en erreur de telle manière que si ces événements, placés dans le contexte de ce futur purement subjectif et incertain (espace-temps), n'ont pas lieu, sa déception sera telle qu'elle causera son malheur. [...]
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