Dissertation philosophique sur le rapport entre raison et vérité.
[...] Est irrationnel ce qui ne relève pas de la raison, c'est à dire ce qui n'est pas de son ressort ou qui s'oppose à elle. De même, pensons à cette croyance très particulière qu'est la foi de Dieu. Là encore il est impossible de démontrer que Dieu existe, et pourtant de nombreuse personnes considèrent comme absurde de refuser son existence. Dans ces deux cas, nous voyons bien que la pensée échappe à la raison. Pourtant, pouvons nous affirmer sans précaution que l'amoureux ou le croyant se trompent ? [...]
[...] Par conséquent, il semble difficile de postuler encore une universalité de la raison. Pourtant, si l'on ne considère pas cette raison comme une faculté statique, donnée, constituée, mais plutôt comme un mouvement de la pensée, on peut comprendre le rapport de la raison à l'universel : la raison n'est pas constituée d'emblée et une fois pour toutes, elle est constituante, ce qui veut dire qu'elle crée des valeurs, qu'elle est cette tendance de la pensée vers l'universel. Comme nous l'avions dit, elle est cette tendance par laquelle nous nous arrachons de notre monde singulier pour tenter de construire un monde qui soit commun à tous les hommes. [...]
[...] L'un des caractères fondamentaux que nous devons dégager est que la raison est une faculté qui tend vers l'universel. On a d'ailleurs longtemps supposé que la raison était une faculté universellement présente en chaque homme : Descartes disait d'elle, en l'appelant le bon sens, qu'elle est la chose du monde la mieux partagée De même, Kant estimait qu'une action morale, accomplie par devoir, est une action que nous pouvons par notre raison considérer comme universellement valable. De ce fait, puisque la raison nous dit ce qui arrive (ou doit arriver) dans tous les cas, elle nous dit également que ce qui arrive ne peut pas ne pas arriver. [...]
[...] Le passionné de jeu, par exemple, se ruinera en jouant, au détriment de son confort quotidien, tandis que le jaloux passionné construira des raisonnements particulièrement compliqués pour prouver que sa femme le trompe. La passion nous empêche donc de juger, elle est contraire à la passion, elle fait obstacle au jugement sain, et nous dirons qu'elle est non seulement irrationnelle mais aussi déraisonnable. Elle s'oppose à la connaissance, mais aussi à un comportement moral. Aussi bien dans la foi que dans l'amour ou la passion, il y a un point commun : dans ces trois cas, ce qui domine, c'est l'individu dans ce qu'il a de singulier. [...]
[...] En effet, les lois de l'univers seraient- elle pleinement traduites dans le langage des mathématiques, ne reste qu'on ne peut déduire l'existence elle-même Pourquoi tout ? demandait Flaubert. Le temps même est irrationnel : l'après n'est pas déductible de l'avant mais porteur de destructions et de nouveautés que la raison ne peut réduire à l'identique. L'imagination créatrice du poète, la foi du croyant sont vécues comme des expériences irréductibles. La science tente parfois de les expliquer comme des illusions, mais une expérience vécue, en tant que donnée existentiel, ne peut être récusée. [...]
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