C'est un lieu commun mille fois entendu, que de prétendre par exemple que l'homme fait de l'histoire pour ne pas répéter les erreurs du passé. L'objection que soulève une telle affirmation est pourtant presque immédiate : depuis le temps que les hommes font des erreurs, s'il suffisait de les connaître pour ne plus les refaire, alors il devrait s'ensuivre que personne, jamais, ne se tromperait plus. Comme l'affirmait Hegel, la seule leçon que l'on peut retenir de l'histoire est que les hommes n'ont jamais retenu aucune leçon de l'histoire : il ne suffit pas d'avoir commis une erreur pour s'en déprendre, pour la dépasser et même pour s'en guérir (...)
[...] Se séparant des Lumières il se méfie des effets pervers de la raison et du progrès. Le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1754) montre que l'homme s'élabore à travers une histoire mal orientée par défaut de méfiance à l'égard d'une inégalité d'abord physique et naturelle, se transformant vite en inégalité de convention puis en tyrannie politique. Du contrat social et Emile (1762) proposent des remèdes complémentaires : un pacte d'association donnant la liberté civile que garantit une loi émanant de la volonté générale une éducation capable de former un citoyen libre. [...]
[...] C'est donc l'erreur dévoilée comme erreur qui nous donne la vérité. Conclusion Voilà donc le contenu positif que l'homme peut retirer de ses erreurs : quand elles lui apparaissent comme telles, c'est-à-dire quand il s'en détache parce qu'il sait qu'il s'agit d'erreurs et non de vérités, l'homme touche à la vérité absolue. Chaque fois que je démasque une erreur, je suis en pleine vérité : la vérité ne nous est pas inaccessible, et c'est à tort que les sceptiques doutent de tout. [...]
[...] Telle est du moins la grande leçon que les sceptiques retiennent de l'erreur : comme nous ne savons jamais si nous nous trompons ou pas, ou comme nous le savons toujours trop tard, il faut en toute chose s'abstenir de juger. II. L'expérience de l'erreur et l'expérience de la vérité 1. Expérimenter l'erreur comme erreur, c'est déjà la dépasser Quand l'erreur enfin se dénonce comme telle, quand l'illusion apparaît pour ce qu'elle est, nous sommes déchirés : le chemin de la désillusion est ce que Hegel nomme le chemin de croix de la conscience, qui finit par douter de tout. [...]
[...] Quel est alors ce contenu positif qui constitue en propre ce que nous pouvons apprendre de l'erreur ? 3. L'expérience de la vérité est expérience de l'erreur Je croyais que cela était vrai, et cela s'est avéré faux. Quelle leçon positive pourrais-je bien en tirer, quelle vérité l'erreur a-t-elle à m'offrir ? Rien d'autre que ceci : il est absolument vrai que ce que je croyais vrai est en réalité faux. Expliquons : il est possible que ce que je tiens pour vrai aujourd'hui, je le comprenne comme une illusion demain ; après tout, grandir, c'est perdre une à une les illusions de l'enfance, et les perdre sans remède, si tant est qu'une illusion qui se montre comme illusion ne peut plus être prise pour une vérité, même si parfois nous le regrettons (on peut regretter l'âge de la vie où l'on croyait au Père Noël ; il n'empêche, lorsqu'on sait qu'il n'existe pas, on ne peut plus y croire). [...]
[...] Nous pouvons alors effectivement apprendre quelque chose de nos erreurs : ce que nos erreurs nous donnent, c'est rien moins que la vérité elle-même. Hegel, Georg Wilhelm Friedrich (1770-1831) : Philosophe allemand. C'est dans son système, l'idéalisme absolu que l'histoire devient la dimension essentielle de tout : rien ne se présente initialement comme achevé, tout doit se transformer pour devenir, à la fin de son histoire, ce qu'il doit être. L'Histoire est orientée par la manifestation d'une Raison universelle, qui ne peut advenir qu'après la traversée de multiples contradictions. [...]
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