Qu'est-ce que la laideur ?

Résumé du document

Dans la tradition métaphysique, l'opposition laideur-beauté a été superposée à d'autres couples de contraires, matière-forme, mal-bien, comique-tragique, ou mort-vie... Mais là, les choses sont plus complexes car la laideur peut être du côté de la vie, d'une autre forme de beauté, d'un renouvellement des formes. A première vue la laideur semble être le caractère de ce qui est laid c'est-à-dire déplaisant à la vue, mais aussi aux sensations et impressions mentales. Il apparaîtrait alors que la laideur serait une notion simple définissable à l'aide de critères connus de tous et objectifs (...)

Extraits

[...] Et quand on dit que quelque chose est laid, c'est simplement qu'on ne l'a pas vu sous un assez bon angle pour l'apprécier. L'étrangeté serait un signe de laideur et l'accoutumance un signe de beauté et la valeur culturelle pourrait permettre de distinguer le beau du laid. La dimension temporelle a également un rôle à jouer dans la distinction laideur, beauté car suivant les époques les critères de beauté ont changé et par conséquent ceux de laideur aussi, étant liés. [...]

[...] L'habitude pourrait alors s'opposer à la laideur dans le sens où le fait d'apprendre à aimer quelque chose permet de le voir d'une manière différente et ainsi appréhender sa vision et son opposition beauté/laideur de façon différente. La laideur connaitrait alors une limite supplémentaire. Puis, la laideur échappe aux critères qui la prédéfinissent car parfois la laideur proposée par les critères ne correspond pas à une véritable laideur que les gens voient physiquement. Ainsi dans Aurélien, de Louis Aragon, le personnage de Bérénice est caractérisé par sa laideur comme en témoigne la première phrase du roman : La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. [...]

[...] Mais comment définir ces laids ? L'exemple du bébé qui distingue les visages les plus harmonieux et leur sourie permet bien de comprendre la dimension naturelle du beau et du laid et le fait qu'il existerait des caractéristiques du laid qui ne seraient pas issues de la socialisation primaire, celle-ci n'étant pas encore effectuée et plutôt de l'ordre du subjectif. Mais alors ces normes et valeurs objectives caractérisant la laideur et plus ou moins intégrées dans la société sont elles les seules qui permettent une définition juste de cette dernière ? [...]

[...] Comme le disait Sartre : "on n'est pas laid [ou beau] tout seul". Ainsi nous pourrions nous demander : la laideur ou la beauté nécessitent-elles la médiation d'autrui pour être, ou résident-elles en noud, dans notre corps, à titre de substances, avant l'apparition même d'autrui ? Sartre y répond comme nous l'avons vu par l'idée, juste, selon laquelle on ne peut être beau ou laid tout seul. En effet pour se trouver beau il faut être comparé à autre chose et alors décréter que nos critères personnels sont plus satisfaisants que celui d'à coté et qu'ils justifient l'adjectif de beau Ainsi Quasimodo qui représente la laideur dans Le Bossu de Notre Dame est en opposition totale avec Esméralda qui est l'incarnation de la grâce et de la félinité, il y a une comparaison forcée de ces deux personnages dans le roman et ainsi Quasimodo ne serait pas laid s'il l'était tout seul ou s'il n'y avait que des bossus avec lui. [...]

[...] C'est en cela que la laideur dépasse sa propre définition. De plus, ce ne peut être la simple référence à une valeur culturelle commune, une identité de culture qui me réifierait en me réduisant à n'être qu'une laideur ou qu'une beauté (comme par exemple dans le concept de "femme-objet" que nous avons vu précédemment). Certes la laideur et la beauté sont des significations, et renvoient donc potentiellement à un autrui susceptible de les comprendre et de les apprécier. Mais le jugement d'autrui sur moi me laisse toujours, du moins en droit, la possibilité de le réfuter, de refuser de m'y reconnaître ou de me soumettre à un avis, qui, pour moi pourrait n'être qu'une vaine opinion dans l'esprit d'un autre "qui me prête une laideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas" dit Sartre. [...]