Les grecs, ayant de leur langage la maîtrise de l'articulation, et donc de la communication, sont ainsi aptes à partager, délibérer, fonder en commun leur cité à partir d'une langue commune, langue de la Raison, Logos. En effet, si l'on suit Aristote (La politique, L I ch II), l'homme est un «animal politique »: doué de Raison, elle même liée à l'articulation de son langage, l'organisation de la Cité, de la communauté, même si repliée sur elle même, est toujours fruit de la maîtrise de l'universel, logé dans le langage, non pas modulé mais articulé comme langage de la Raison.
[...] Les guerres de conquêtes Espagnoles, portugaises, françaises etc . sont aussi barbares que les guerres tribales, mais placées sous d'autres motivations [voir Montaigne, des cannibales]. L'assignation des autres à la barbarie ne servirait autoriser leur soumission à l'esclavage: désignés comme barbares par nature, ils échappent aux règles universelles, d'où la violence suprême qui leur est infligée, celle de la réduction en esclavage. Ces hommes ont été déclarés barbares par nature, c'est-à-dire esclave par nature pour légitimer leur soumission barbare à l'esclavage. [...]
[...] C'est alors que la polis, la cité, et à l'intérieur de ce système délibéré l'Agora, le Forum, sont les lieux de délibération d'une vie commune, universelle (Raison aidant) c'est à dire universellement valable. Mais la découverte de l'Amérique fait crise dans ce pseudo universalisme en révélant l'éthnocentrisme greco-romano-chrétien. Montaigne se montre en effet sceptique quand à l'appellation barbare des coutumes des autres, qui en réalité ne le sont pas plus que nous. Lévi-Strauss reprendra cette thèse : Barbare c'est celui qui croit à la Barbarie cela sous-entend que l'Universel n'existe pas, ou s'il existe est inconnaissable. [...]
[...] Cette conversion une des figures paradigmatiques du faux universel. On peut donc soutenir que si une C entretient avec les valeurs qui s'incarnent en elles, avec les fins qu'elle se donne comme légitimes, un rapport pensé sur le mode de la filiation, alors il est clair qu'elle ne pourra pas chercher à les exporter, parce qu'elle s'identifie aux valeurs qu'elle produit. Elle cherchera alors à les imposer aux autres ou à les garder pour soi, ce qui se réalise dans la généralisation ou le repli identitaire. [...]
[...] On pourrait faire la comparaison entre le mythe de Prométhée chez Hésiode et chez Protagoras: chez Hésiode la distinction n'est pas faite entre Universel et particulier, il n'y a que des valeurs particulières, rien n'est transmissible dans la Théogonie (ne pas croire, c'est être exclu de la communauté). Chez Protagoras au contraire, Prométhée vient donner aux hommes des techniques, des instruments transmissibles. Aidos et techne sont donc forme et manière, transmissibles et imitables. Il faut, en commun, se mettre sous le regard des autres. Il est donc important de faire la différence entre le contenu et la forme de ce qui est transmis. [...]
[...] L'idée de privilège n'est-elle pas en contradiction avec celle d'Universalité? Est-il possible, et comment sortir de ce cercle? Il existe une multiplicité de C. Or notre sujet présuppose l'existence de valeurs universelles: est-ce légitime? Selon toute apparence, non! Tout laisse à penser que nous considérons comme universel, c'est-à-dire comme ce qui devrait être valable pour l'Univers, ce à quoi nous sommes habitués. Il suffit pour cela de voir avec quelle force les coutumes des autres apparaîssaient immédiatement comme barbare [de barbaros, barbarizein: baragouiner]. [...]
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