L'étymologie du mot passion renvoie à une notion de passivité, à quelque chose dont l'homme fait l'expérience malgré lui puisque passion vient de pâtir qui signifie subir. De cette conception il ressort que la passion peut être une expérience non seulement douloureuse (on parle en effet des tourments de la passion) mais qui nous semble également s'imposer à nous. Comme imposée de l'extérieur, certes, mais ressentie par le sujet comme expérience intime. Un peu comme une maladie en somme, mais qui affecterait l'esprit : ne tombe-t-on pas amoureux comme l'on tombe malade ? La définition des passions comme maladies est un motif récurrent en philosophie tout comme celui de l'opposition passion/raison.
Le sujet invite à étudier et pourquoi pas à remettre en question cette approche de la notion de passion. Car considérer la passion comme une maladie c'est d'abord se référer à une définition particulière de cette dernière qu'il faudra éclairer pour mieux comprendre.
On pourra ainsi commencer par se pencher sur les conceptions antique puis kantienne de la passion qui la définissent justement comme maladie de l'âme (...)
[...] On a donc vu que les passions s'opposent au raisonnement logique, mais il y a plus, elles sont également un obstacle à la morale. C'est le sens de l'analyse de Kant dans l'Anthropologie du point de vue pragmatique qui en parle moins comme d'un jugement erroné que comme d'un véritable vice. Il y définit la passion comme une inclination qui n'est maîtrisée qu'avec peine, si elle l'est, par la raison du sujet. Ainsi être soumis à une passion c'est toujours une maladie de l'âme puisque la maîtrise de la raison est exclue. La passion est également d'autant plus dangereuse que contrairement par exemple à l'émotion qui n'est qu'une brève mise entre parenthèse de la raison, la passion est réfléchie est prend tout son temps pour s'incruster en profondeur dans le sujet. C'est la toute la différence entre un accès de colère, aussi violent soit-il, et la passion de la haine ou de la vengeance.
Elle entre donc en concurrence avec la raison pour fixer les principes de la conduite d'un individu, de plus par son caractère exclusif elle abolit pour le sujet sa liberté de faire des choix (...)
[...] En quoi cela pose-t-il un problème ? C'est tout d'abord que dans les passions nous sommes portés vers des biens et de maux qui selon les stoïciens ne sont pas de véritables biens et maux : rechercher passionnément l'argent, la gloire ou craindre la mort, le chagrin ou la douleur ne peut que détourner l'homme de la recherche du véritable bien qui doit faire son bonheur. Erreur de jugement donc, qui empêche l'homme d'apprécier avec justesse ce qui l'entoure mais également démesure. [...]
[...] Ainsi dressées les passions ne sont plus synonymes de souffrance, bien au contraire. Aussi le traité des passions s'achève sur une note plutôt optimiste : puisque les plaisirs communs à l'âme et au corps dépendent entièrement des passions, ce sont les hommes qui y sont le plus sensibles qui sont susceptibles d'éprouver le plus de plaisir dans leur vie. Descartes ajoute que les passions sont douces quand elles sont tempérées et que l'on peut même tirer de la joie de tous les maux qu'elles nous causent. [...]
[...] Si on ne peut en nier l'efficacité en théorie on peut se demander à juste titre si il sera jamais possible à un homme de la mettre en pratique : comment un homme pourrait-il ainsi renoncer à tout ce qui constitue son attachement au monde qui l'entoure ? Le sage véritable est aussi rare qu'un phénix, disaient les stoïciens -on comprend pourquoi. Détruire totalement les passions pour parvenir à l'idéal de l'ataraxie semble être une entreprise au dessus de nos forces. Serions-nous alors condamné à vivre avec nos passions comme avec une maladie incurable ? Vision bien pessimiste de notre condition humaine. A moins qu'il ne faille revoir notre première approche des passions. [...]
[...] La solution du problème passionnel passerait donc par la connaissance, connaissance de la nature réelle des désirs. L'idéal de sagesse est celui de l'absence de trouble de l'âme que l'on peut atteindre à condition de distinguer entre ses désirs ceux qui sont nécessaires et ceux qui ne le sont pas, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent pas être satisfaits. Il s'agit de faire un travail de juste représentation de la valeur des choses. Cicéron au livre IV des Tusculanes fait une synthèse des remèdes stoïciens. [...]
[...] Des exercices spirituels répétés, des méditations sur les principes moraux des stoïciens doivent permettre de maîtriser les représentations. La morale stoïcienne simple mais sévère est une entreprise radicale : pour ne pas être affecté par les passions l'homme doit se détacher de tout ce qui ne dépend pas de lui, de tout ce qui est hors de portée de sa volonté. (cf. la première phrase du Manuel d'Epictète). Puisque la souffrance ressentie lors de l'expérience de la passion vient de ce que cette dernière est dépendance vis à vis d'un objet extérieur inaccessible alors il convient de ne plus y prêter attention pour ne plus se laisser enchaîner. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture