« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Sommaire
Introduction
I) S'inscrivant à la fois contre le pacifisme absolu, pour qui « il ne doit y avoir aucune guerre », et dont les blâmes apparaissent bien souvent impuissants...
A. Le pacifisme absolu rejette la guerre comme étant une explosion de violence absurde, et un triomphe des passions aveugles sur la raison 1. Pour les partisans du pacifisme absolu, aucune guerre n'est juste, et ils rejettent à travers elle une manifestation de violence qui, bien que socialisée, peut s'avérer extrêmement cruelle 2. Selon les pacifistes, les raisons avancées à l'appui du déclenchement des conflits sont soit inexistantes, soit futiles, soit fallacieuses
B. Aucune guerre n'est juste, lorsqu'elle est décidée par des princes capricieux et querelleurs ; il est en revanche moins aisé de considérer que tous les belligérants sont illégitimes lorsque les conflits mobilisent des nations entières 1. On a longtemps cru que la guerre était le fait du bon plaisir des princes, et que les peuples souverains, eux, ne s'engageraient pas dans des conflits ne les concernant pas 2. La guerre étant devenue un phénomène total, il est désormais plus difficile de s'y opposer en renvoyant les belligérants dos à dos
C. Le pacifisme est désormais largement une révolte de l'individu contre la collectivité en armes, et non plus un programme politique 1. Face à la fureur des masses, l'individu cherche à rester au-dessus de la mêlée, c'est-à-dire à ne pas laisser son esprit critique emporté par la tourmente 2. L'individu pacifiste refuse d'être traité comme de la chair à canon 3. L'individu doit, en situation de guerre, subir la pesante hiérarchie militaire qui le réduit, pour ainsi dire, en esclavage
II) ... et contre ceux qui font l'apologie de la guerre, ou bien qui refusent de porter sur elle le moindre jugement normatif...
A. Du point de vue de la marche de l'histoire, la guerre serait le moteur du progrès, et permettrait de resserrer le tissu social et de lui redonner une cohésion 1. La guerre est selon Hegel « la santé éthique des peuples », elle prévient les peuples de l'engourdissement et constitue pour les collectivités politiques un aiguillon et un stimulant 2. La guerre joue un rôle astringent : elle permet de resserrer le tissu social et peut cimenter certaines collectivités politiques
B. « Ah Dieu que la guerre est jolie ! » 1. D'un point de vue esthétique, la guerre est un spectacle qui réunit tous les charmes 2. Cette excitation serait toutefois largement illusoire et les vertus militaires les plus nobles se trouveraient en réalité largement dévoyées
C. Les doctrines réalistes estiment que la guerre est un phénomène inéluctable, et que la question de sa légitimité ne se pose même pas 1. Parce qu'elle serait naturelle et inévitable, les plus cyniques considèrent qu'il est sans objet de confronter la guerre à des règles de justice ou de légitimité 2. Au regard de l'analyse marxiste, la guerre est inévitable, en tant qu'elle dérive inéluctablement des rapports de force du système de production
III) ... la doctrine de la guerre juste constitue un embryon de moralisation du recours à la force, bien qu'un pis-aller par rapport aux efforts entrepris pour l'encadrer par le droit
A. La doctrine de la guerre juste permet de déterminer dans quelles conditions un conflit peut être légitime 1. L'Église ne condamne pas la guerre en tant que telle, et son histoire est d'ailleurs jalonnée de conflits parfois très cruels 2. La doctrine de la guerre juste pose un certain nombre de critères pour légitimer le recours à la force
B. La doctrine de la guerre juste est toutefois un pis-aller par rapport aux tentatives, laborieuses mais nécessaires, d'encadrer par le droit le recours à la force 1. Les efforts de la communauté internationale tendent à substituer à la question de la légitimité de la guerre celle de sa licéité 2. Pour être licite, la guerre doit l'être dans sa fin (jus ad bellum) et dans ses moyens (jus in bello)
C. C'est notamment pour remédier aux lacunes et aux ambiguïtés des mécanismes de sécurité collective, que la doctrine de la guerre juste a été relevée de son grabat 1. On reproche parfois aux dispositifs encadrant juridiquement le recours à la force de ne faire que maquiller la loi du plus fort 2. Il serait toutefois dangereux de faire litière de ces mécanismes juridiques qui évitent que les parties prenantes d'un conflit apprécient elles-mêmes s'il leur apparaît ou non légitime
Conclusion
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Extraits
[...] Bardamu par exemple, le héros du Voyage au bout de la nuit de Céline, qui, place de Clichy, attablé à la terrasse d'un café avec un ami, s'engage à la veille de la Grande Guerre sur un coup de tête, à la faveur d'un défilé militaire dans les rues : Mais voilà-t-y pas que juste devant le café où nous étions attablés un régiment se met à passer, et avec le colonel par- devant sur son cheval, et même qu'il avait l'air bien gentil et richement gaillard, le colonel ! Mais je ne fis qu'un bond d'enthousiasme. [...]
[...] Hécube dans cette pièce : Dès que la guerre est déclarée, impossible de tenir les poètes. La passion envenime le jugement, égare les hommes, et comme le rappelle cet adage d'avocats, si les intérêts transigent toujours, les passions ne transigent jamais. Comme le note Proust dans Le Temps retrouvé, les querelles des nations sont aussi irrationnelles et passionnées que celles des individus. Sous l'empire de leurs émotions, ceux-ci abdiquent leur bon sens : Dans ces querelles, les grands ensembles d'individus appelés nations se comportent eux-mêmes dans une certaine mesure comme des individus. [...]
[...] Machiavel avait, de ce point de vue, raison de dénoncer la mollesse des armées de mercenaires Rome vécut libre pendant quatre cents ans, et elle était armée ; Sparte, huit cents ans. Une foule de républiques, qui négligèrent de s'appuyer sur leurs propres armes, ne purent voir le terme de leur liberté s'étendre au-delà de huit lustres et de préférer l'infanterie, la levée des citoyens luttant pour la suivie de leur patrie, plutôt que l'artillerie. Les guerres de velours, conduites par des professionnels, sont d'une autre époque, ainsi que la courtoisie dont on faisait assaut sur les champs de bataille, telle que la représente le tableau de Vélazquez La Reddition de Breda Les lances mettant en scène le chef des armées de la très catholique Espagne saluant avec cordialité celui de la ville se rendant après un long siège. [...]
[...] Du point de vue de la marche de l'histoire, la guerre serait le moteur du progrès, et permettrait de resserrer le tissu social et de lui redonner une cohésion La guerre est selon Hegel la santé éthique des peuples elle prévient les peuples de l'engourdissement et constitue pour les collectivités politiques un aiguillon et un stimulant. Pour Hegel, la guerre a pour but, tour l'individu, d'imposer à l'autre sa propre valeur. En prenant de sa propre initiative le risque de perdre la vie au combat, l'homme se distingue de l'animal et affirme sa conscience de soi. [...]
[...] Le poète Démokos organise un concours d'épithètes pour injurier l'ennemi et rappelle en s'adressant aux Troyens : C'est de bon augure que ce premier conseil de guerre ne soit pas celui des généraux, mais celui des intellectuels. Car il ne suffit pas, à la guerre, de fourbir des armes à nos soldats. Il est indispensable de porter au comble leur enthousiasme. L'ivresse physique, que leurs chefs obtiendront à l'instant de l'assaut par un vin à la résine vigoureusement placé, restera vis-à-vis des Grecs inefficiente, si elle ne se double de l'ivresse morale que nous, les poètes, allons leur verser. [...]
La notion de guerre est fondée sur des investigations politiques et juridiques à partir des causes d'un conflit, le résultat doit permettre à l'un des belligérants dont il a été prouvé qu'il a subi une injustice d'entreprendre une guerre de réparation déclarée juste....