Introduction
« Métro-boulot-dodo » : voilà trois mots qui résument souvent, pour la conscience commune, le quotidien. Si le travail occupe en effet une place centrale dans nos sociétés puisqu'il rythme notre vie, le monde moderne valorise également le temps libre ; si bien que l'homme se trouve pris dans une dualité entre travail et loisir. Le travail est une activité propre à l'homme qui est productrice de valeurs et socialement rentable ; pour les économistes, le travail désigne plus spécifiquement une activité professionnelle, régulière et rémunérée. Le travail serait ainsi le moyen tout donné de "gagner sa vie", au point qu'il serait possible de "vivre de son travail". Néanmoins, le travail exige un effort et peut être considéré comme une charge ; c'est pourquoi il apparaît légitime de se demander si travailler moins permettrait de vivre mieux. Autrement dit, doit-on considérer qu'alléger la charge quotidienne de travail améliorerait notre qualité de vie ? Dire que travailler moins, c'est vivre mieux impliquerait que le paramètre quantitatif ("moins") jouerait sur le qualitatif ("mieux"), toujours relatifs. Il faudra par conséquent s'interroger sur ce qui peut justifier un désir de travailler moins, et donc se pencher plus avant sur les liens qui existent entre le travail et le bonheur. Nous analyserons tout d'abord dans quelle mesure travailler moins permettrait une amélioration de la qualité de vie, avant de voir que la relation entre les pôles quantitatif et qualitatif est beaucoup plus complexe : la quantité de travail n'aurait pas systématiquement une incidence unilatérale sur le bien-être. (...)
[...] Le système capitaliste dénature la signification authentique du travail: en effet, loin de s'accomplir dans son travail, l'ouvrier s'aliène. Son travail se résume à l'accomplissement d'une tâche souvent simple, unique et monotone, si bien que sa perception de la production en est réduite, et le produit de son travail lui échappe. Bien pire, l'ouvrier est lui-même transformé en marchandise : Le travail ne produit pas que des marchandises ; il se produit lui-même et produit l'ouvrier en tant que marchandise ( . [...]
[...] D'après Marx, le travail devrait être une source de reconnaissance, d'accomplissement de soi: en réalité, si à la question Travailler moins pour vivre mieux ? on peut être tenté de répondre par l'affirmative, ce n'est pas tant au nom d'un droit à la paresse que pour retrouver le vrai sens du travail. Tout cela nous mène à réfléchir sur les conditions de l'humanisation du travail, les conditions d'un travail spécifiquement humain, qui ne soit nié aliéné ni aliénant. Marx explique bien que le système capitaliste réduit l'homme à une marchandise; or la dignité humaine (qui est gage de bonheur et d'épanouissement de soi) consiste à pouvoir investir toute sa personne dans ses activités. [...]
[...] Par ailleurs, le travail n'est pas seulement une activité rémunérée, mais aussi l'effort que l'on doit soutenir pour faire quelque chose : le travail est donc aussi travail sur soi, et peut être formateur. Nous pouvons prendre pour exemple le travail effectué par les étudiants pour leurs études : il est bien-connu que plus l'étudiant travaille, plus il accroît ses chances d'obtenir (au moins théoriquement) un bon poste par la suite. Travailler (dans le cadre des études) serait donc, dans cette mesure, une source de satisfaction personnelle puisque cela permettrait l'assurance d'un métier pouvant répondre à nos désirs. [...]
[...] Travailler moins pourrait alors signifier gagner moins: à terme, cela peut entraîner une baisse du niveau de vie de l'homme. Dans cette perspective, diminuer la cadence de travail ne semble pas être bénéfique à l'homme puisque son bien-être résulte, en l'occurrence, de son travail et de ce qu'il en gagne. En prenant le cas limite que constituent les chômeurs, puisqu'ils ne travaillent plus, nous nous rendons compte qu'une absence totale de travail n'est donc pas propice au bien-être de la personne; ce qui soulignerait la valeur d'intégration du travail. [...]
[...] Le travail produit plus de valeurs que l'ouvrier en retire. L'investissement de soi dans le travail n'a donc, dans un tel contexte, plus grand sens, ce qui légitimerait une réduction du temps de travail dans l'espoir que l'ouvrier puisse s'accomplir dans son temps libre : La réduction de la journée de travail est la condition de cette libération écrit d'ailleurs Marx dans Le Capital. Marx a ainsi pu rêver l'avènement d'une société sans classes, où il n'y aurait plus de distinction entre travail et loisirs D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le mouvement ouvrier a placé la baisse du temps de travail au rang de ses priorités. [...]
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