Vous proposez l'étude de cette œuvre intégrale à une classe de seconde, dans le cadre de l'objet d'étude « Démontrer, convaincre et persuader ». Vous présenterez votre projet, et en définirez les modalités.
L'étude des œuvres intégrales est un des lieux incontournables de l'enseignement littéraire au lycée. La connaissance d'un grand nombre d'œuvres littéraires a en effet toujours été considérée comme le principal moyen d'accès à une culture littéraire et les Instructions Officielles pour les classes de seconde et de première préconisent d'ailleurs de faire étudier au moins six œuvres intégrales dans l'année, en alternant lecture analytique et lecture cursive. Le choix d'une œuvre courte, telle que l'Histoire des voyages de Scarmentado écrite par lui-même, permet alors d'offrir un contrepoids à l'analyse d'œuvres plus longues qui nécessitent souvent plusieurs semaines d'approfondissement.
Ce conte philosophique de Voltaire présente par ailleurs un grand nombre d'intérêts pour des élèves de seconde : il permet en effet d'étudier les formes de l'argumentation, notamment dans le cadre de la problématique de l'altérité tout en analysant différents registres – comme celui de l'ironie – qu'il importe de bien cerner dès l'arrivée au lycée. Le discours à double entente est en effet monnaie courante tant dans les œuvres littéraires que dans la vie quotidienne, et son étude permet la formation de lecteurs et de citoyens avisés. Enfin, si le mouvement littéraire et culturel des Lumières n'est pas à aborder en tant que tel au cours de l'année de seconde, il peut néanmoins faire l'objet d'une première approche, dans le cadre d'une vision diachronique de l'histoire littéraire initiée durant la séquence précédente, consacrée à l'étude de l'éloge et du blâme à travers des œuvres du XVIème et du XVIIè siècle et poursuivie dans la séquence suivante consacrée au Romantisme.
L'Histoire des voyages de Scarmentado écrite par lui-même est emblématique de l'œuvre de Voltaire, puisqu'elle prend place dans une longue série de contes philosophiques très célèbres tels que Candide ou l'Optimisme ou Zadig ou la destinée. Mais par-delà ces œuvres très célèbres, le philosophe a également composé un grand nombre de contes plus brefs tels que Jeannot et Colin, Memnon ou la Sagesse humaine, ou encore Le Crocheteur borgne. Ces œuvres – dont certaines ont pu déjà être abordées en classe de quatrième, lors de l'étude des idées philosophiques du siècle des Lumières - sont autant d'occasions d'analyser l'écriture ironique de Voltaire ainsi que son implication dans la vie politique de son époque. Il serait en effet illusoire de penser que ces écrits s'adressent à un autre public que celui des œuvres sérieuses que sont le Traité sur la tolérance ou le Poème sur le désastre de Lisbonne, et l'on verra d'ailleurs que ces préoccupations rejaillissent au sein même des (més)aventures de Scarmentado. C'est en effet après avoir subi de multiples déconvenues à Berlin et alors qu'il était interdit de séjour à Paris par le roi de France lui-même que Voltaire écrivit ce conte philosophique, dont la leçon très amère semble bien être un reflet de la propre expérience de l'auteur. Ce dernier, bien que conscient de la hiérarchie des genres littéraires, puisqu'il s'adonna à la tragédie, ne dédaigna donc pas de multiplier les écrits légers pour en accroître l'efficacité, d'autant qu'un certain nombre de ruses éditoriales – Candide est présenté comme un texte traduit de l'allemand tandis que l'Histoire des voyages de Scarmentado porte dans son titre même le nom d'un auteur autre que Voltaire - ajoutées au caractère fictif des aventures narrées permettaient de déjouer la censure.
[...] Je restai là six semaines, au bout desquelles le révérend père inquisiteur m'envoya prier de venir lui parler: il me serra quelque temps entre ses bras, avec une affection toute paternelle; il me dit qu'il était sincèrement affligé d'avoir appris que je fusse si mal logé; mais que tous les appartements de la maison étaient remplis, et qu'une autre fois il espérait que je serais plus à mon aise. Ensuite il me demanda cordialement si je ne savais pas pourquoi j'étais là. Je dis au révérend père que c'était apparemment pour mes péchés. "Eh bien, mon cher enfant, pour quel péché? Parlez-moi avec confiance." J'eus beau imaginer, je ne devinai point; il me mit charitablement sur les voies. [...]
[...] Enfin je me souvins de mes indiscrètes paroles. J'en fus quitte pour la discipline et une amende de trente mille réales. On me mena faire la révérence au grand inquisiteur: c'était un homme poli, qui me demanda comment j'avais trouvé sa petite fête. Je lui dis que cela était délicieux, et j'allai presser mes compagnons de voyage de quitter ce pays, tout beau qu'il est. Ils avaient eu le temps de s'instruire de toutes les grandes choses que les Espagnols avaient faites pour la religion. [...]
[...] "Les bonnes gens que les Turcs!" m'écriai-je. Les chrétiens grecs et le chrétien latins étaient ennemis mortels dans Constantinople; ces esclaves se persécutaient les uns les autres, comme des chiens qui se mordent dans la rue, et à qui leurs maîtres donnent des coups de bâton pour les séparer. Le grand vizir protégeait alors les Grecs. Le patriarche grec m'accusa d'avoir soupé chez le patriarche latin, et je fus condamné en plein divan à cent coups de latte sur la plante des pieds, rachetables de cinq cents sequins. [...]
[...] chez moi »)Infidélité de sa femmeAccepta- tion Critique de l'insatisfaction perpétuelle ? Il s'agit ensuite d'analyser ce tableau selon trois directions : - la géographie : Scarmentado visite successivement un grand nombre de pays d'Europe, puis d'Asie et enfin l'Afrique : il n'hésite pas à aller exercer sa réflexion aux confins du monde connu : ce sera pour lui l'occasion de prendre de belles leçons de relativisme. - les thèmes dominants : Voltaire attaque avant tout l'intolérance, surtout religieuse (les exactions des jésuites, l'Inquisition et surtout les guerres de religion et autres querelles religieuses). [...]
[...] Après avoir émis un préjugé très critique à l'encontre des Turcs, le scepticisme chez Scarmentado fait place à l'euphorie lorsqu'il découvre à quel point les Turcs sont tolérants à l'encontre des Chrétiens. Mais les deux mésaventures qui suivent le rappellent à la triste réalité : les deux religions, chrétienne et musulmane, font preuve d'intolérance. Voltaire dénonce ici à la fois les luttes intestines d'une même religion - et on ne peut s'empêcher de songer aux affrontements qui divisent la France chrétienne depuis le XVIe siècle et le problème de l'Islam qui s'occupe de tous les aspects de la vie, comme le montre symboliquement le terme de Circassienne : originaire de la montagne, du Caucase, cette jeune femme est un être des extrêmes, et ce dans tous les domaines. [...]
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