Quand un policier dans la rue vous interpelle, « hé, vous là bas », cela donne la théorie de l'interpellation énoncée par Louis Althusser. Pour ce dernier, les idées ne précèdent pas les actions, leur existence est inscrite dans les actes de certaines pratiques réglées par des rituels. Le passant anonyme qui se retourne pour répondre à cet appel ne préexiste pas, à strictement parler, à l'appel. Le passant se retourne précisément pour acquérir une certaine identité et il n'acquiert cette identité qu'au prix de la culpabilité. L'acte de reconnaissance devient un acte de constitution. L'appel adressé au sujet l'anime et le fait exister. La question de la langue est donc plus ambiguë qu'il n'y paraît et elle intéresse en premier lieu la cité. L'Essai sur l'origine des langues de Jean-Jacques Rousseau dans sa forme primitive faisait partie du Discours sur (...)
[...] En réalité, la langue est un vecteur d'échange qui prend appui sur une valeur d'identité. Support complexe d'une communication en mutation, la langue est le moyen ambiguë d'une communion inachevée.De la langue aux langages : la langue est un support complexe qui n'épuise pas toutes les formes de communication. La langue n'est pas forcément le signe d'une communication aboutie. Car si elle a vocation à rapprocher les êtres, elle est aussi un obstacle involontaire ou volontaire. La langue châtiée usée dans les cours européennes de l'Ancien régime était un critère de sélection sociale. [...]
[...] Enfin, plus simplement, la langue reste le moyen de parvenir à une communion. Le même récit biblique qui rapporte l'épisode de la tour de Babel rapporte également le récit de Luc : chacun l'entendait dans sa propre langue Cette communion religieuse devient philosophique. Chez Leibniz, la langue philosophique parfaite et universelle est un pouvoir de dévoilement de la réalité. On accède par la langue maîtrisée aux Idées. Louis Lavelle, détenteur de la chaire philosophique au Collège de France considérait dans son essai paru en 1942 La parole et l'écriture que le langage a une source divine parce qu'il donne du sens. [...]
[...] Mais elle traduit au sein de la cité de nouveaux rapports de force. A l'image de la technostructure, dénoncée dès les années 50 par Galbraith puis Jacques Ellul, qui a pris le pouvoir dans l'entreprise, les moyens de communication sont appropriés par certains. Chaque jour, des informaticiens inventent de nouveaux langages que personne ne sait traduire. Les progrès de la science ont permis de multiplier et de répandre la parole au-delà du cercle familier auquel elle s'adresse naturellement. Une disproportion entre le son qu'elle rend et l'écho qu'elle produit est de nature à accentuer la coupure entre celui qui la profère et celui qui l'écoute. [...]
[...] La création de sociétés savantes, d'académies de sciences ou de langues témoigne de l'importance de la langue pour l'édification et la transmission des savoirs. De même, dans le prolongement des travaux menés sous la direction de Pierre Nora sur Les lieux de mémoire, le rôle des instituteurs, hussards noirs de la République dans l'édification d'une société normalisée française a été souligné. La langue peut devenir alors un moyen de répression ou d'idéologie. Louis Althusser dans son analyse sur les appareils idéologiques répressifs insistait sur certaines formes de domination. Le mot participe au pouvoir normatif en quelque sorte. [...]
[...] La langue permet de diviser le monde en catégories. Ceux avec qui je puis tout dire et ceux à qui je ne puis rien dire. Les expatriés ont parfois tendance à se retrouver entre eux et à user de leur langue maternelle. De même, alors que le développement des pavillons dits de complaisance a favorisé l'apparition à bord des navires de commerce de communautés hétéroclites de marins de toutes les nationalités, la langue maternelle est parfois utile en cas d'évènement de mer. [...]
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