La relation entre fatalité et volonté est la trame principale du roman d'André Malraux. A travers les nombreux personnages qu'il met en scène, leurs actions, leurs pensées et leurs destinées, Malraux a pour but de montrer ce qu'il pense être les différentes façons de lutter contre sa condition d'homme, contre cette fatalité qui oblige l'homme à prendre conscience de sa petitesse et de sa misère. L'homme est misérable car il est asservi par les conditions matérielles d'existence, misérable car soumis aux lois du temps qui passe et qui le destinent à mourir, ne pouvant lutter contre cela, misérable car esclave de ses sentiments, de sa famille, misérable car tout simplement, il prend conscience de son incapacité à réaliser son rêve de déité, de l'impossibilité de transcender la fatalité. Le verbe lutter implique une volonté d'action et c'est principalement dans ce sens là que nous allons l'employer.
C'est à travers l'évolution des personnages durant la révolution ou en parallèle de celle-ci que leurs volontés, qui diffèrent plus ou moins d'un personnage à un autre, vont être mises en échec ou aider celui qui le veut à vaincre la fatalité. Cette victoire sur la fatalité permet à certains de donner un sens à leur vie, à d'autres de rendre sa dignité à l'homme. Les façons d'y parvenir diffèrent elles aussi et la volonté n'apparaît pas toujours être le seul instrument qui permet de lutter contre la fatalité de la condition humaine. Gisors, par exemple, se réfugie dans l'opium, Ferral dans les femmes etc. (p234-CH). Mais tout abandon ne résulte-t-il pas finalement d'une volonté qui serait alors la seule chose qui permette de vaincre la fatalité ? L'argument opposé serait d'admettre que comme Gisors, entre autre, la meilleure façon de lutter contre notre condition est de l'accepter, de vouloir pleinement les malheurs de la vie contre lesquels l'homme ne peut rien. Il est néanmoins important de différencier la volonté fondamentale, qui est une abstraction pure, de lutter contre la condition humaine en général et les décisions concrètes que les personnages exemplaires prennent, que l'on pourrait qualifier d'actes volontaires, de volitions, qui seraient propres aux valeurs qu'ils symbolisent.
L'homme se définit par son insatisfaction, il est désespéré par sa condition et cherche à donner un sens à sa vie. Il a un désir profond de sortir de lui-même. Même les misérables aliénés éprouvent ce mal-être inhérent à l'homme mais n'ont pas le pouvoir de se révolter. Comme Hemmelrich au début du roman, ils sont prisonniers de leur condition. Malraux met alors en scène deux catégories d'hommes qui tentent, chacun à leur manière d'échapper à cette condition, par la force de leur volonté. Ce désir de dépassement se traduit de deux manières différentes : soit les héros fuient le monde réel que ce soit par l'opium pour Gisors, par une négation de lui-même pour Clappique ou encore par le fait que Ferral s'enivre d'une impression de surpuissance, soit les héros s'engagent politiquement et arrivent par leurs actes à transcender leur destin.
[...] A la mort de son fils : Il n'y a presque plus d'angoisse en moi ; depuis que Kyo est mort, il m'est indifférent de mourir. Je suis à la fois délivré (délivré ! . ) de la mort et de la vie. (p341-CH). L'amour qu'il portait à son fils ne le raccroche plus à la vie, c'est pourquoi il n'est plus angoissé de mourir. Mais est-ce vaincre le destin que de s'abandonner à lui comme Gisors le fait à travers l'opium ? N'est-ce pas plutôt une négation de sa condition de s'interdire de penser ? [...]
[...] La famille est transformée en une charge insupportable qui ajoute à l'horreur de l'existence. Aucune action n'est possible pour Hemmelrich qui sait que seul sa volonté, transformée en actes volontaires, pourrait l'aider à lutter contre sa condition. Malheureusement, il a sa femme et son fils malade à charge dont il doit s'occuper et ne peut donc se permettre de prendre des risques dans la révolution et de se révolter pleinement. Il n'est donc pas maître de sa vie car il ne peut en aucun cas s'approprier sa mort. [...]
[...] Il pense notamment que la révolution s'inscrit dans le mouvement de l'histoire, c'est-à-dire que certains enchaînements d'événements sont nécessaires et échappent à notre volonté et que ce n'est pas grâce à l'action de groupes révolutionnaires qu'elle triomphera. Mais cette acceptation de la fatalité angoisse Gisors et c'est pourquoi il fait appelle à l'opium pour s'en débarrasser. Pour lui, l'esprit ne pense l'homme que dans l'éternel, et la conscience de la vie ne peut être qu'angoisse (p343-CH). L'opium est donc, pour lui, une façon de fuir, de contempler le monde, le Tout. [...]
[...] L'homme se définit par son insatisfaction, il est désespéré par sa condition et cherche à donner un sens à sa vie. Il a un désir profond de sortir de lui-même. Même les misérables aliénés éprouvent ce mal-être inhérent à l'homme mais n'ont pas le pouvoir de se révolter. Comme Hemmelrich au début du roman, ils sont prisonniers de leur condition. Malraux met alors en scène deux catégories d'hommes qui tentent, chacun à leur manière d'échapper à cette condition, par la force de leur volonté. [...]
[...] Il pose des actes dans le but de réaliser sa volonté fondamentale : rendre à l'homme sa dignité. Mais c'est aussi en posant ces actes que Kyo existe à part entière. En étant acteur de sa vie, il ne laisse pas emporter par son destin. Tchen refuse comme Kyo d'être asservi par sa condition et décide de se battre jusque dans la mort pour donner un sens à sa vie. Son impatience le conduit au terrorisme individuel. Il se bat pour échapper à la fatalité tragique de son existence. [...]
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