On montrera que si la différence est au fondement même de la nécessité du Droit (1), une différence, en soi, ne peut en aucun cas fonder, i.e. justifier, un droit individuel particulier (2), si bien que le Droit ne peut connaître que des hommes égaux, au-delà de leurs différences.
[...] Ceci ne veut pas dire que la différence ne soit pas enrichissante et qu'il ne faille pas la préserver, mais simplement que la différence devient un obstacle à la liberté à partir du moment où elle enferme les individus dans leurs différences respectives et exclusives sans qu'aucun dépassement de celles-ci ne soit envisageable. * * * Le fait que la différence soit au fondement de la nécessité du Droit , n'implique donc en rien qu'elle puisse fonder, i.e. justifier, en soi, les droits individuels. C'est en effet la chose commune (res publica), le Droit public, bien plus que nos différences, dont l'affrontement est régulé par le droit privé, qui détermine nos droits. [...]
[...] C'est donc bien notre ressemblance (notre humanité) bien plus que nos différences qui fonde nos droits. Il existe, de plus et de toute manière, un danger certain à reconnaître des droits fondés sur une seule différence, puisque cela revient à autoriser l'individu, ou le groupe, concerné à faire valoir ce droit devant la Justice. Dès lors, il n'y a plus qu'un pas avant d'affirmer que l'individu aurait intérêt à se sentir différent, puisque dès lors que cette différence sera reconnue par la communauté il pourra en retirer des droits, et par-là, éventuellement, des bénéfices. [...]
[...] finalement on tend à les déresponsabiliser en les encourageant à renoncer à leurs libertés publiques. Dès lors, la reconnaissance de droits en vertu de seules différences ne peut constituer autre chose que la défaite du Droit en cela qu'il introduit l'intérêt privé dans la sphère publique, ce qui détourne le Droit de son véritable objectif : la régulation de la société. Ne faut-il cependant pas différencier, à ce stade, le droit public du droit privé, pour mieux insister sur les dangers d'une excessive privatisation de la sphère publique ? [...]
[...] Il convient en tous cas de ne pas se laisser séduire par à une vision trop réaliste de l'évolution du Droit. Karl MARX a certes tenté de démontrer que toute société se caractérise par une inégalité figée par un certain type de rapports de production jusqu'à ce qu'une révolution n'intervienne et ne permette le passage à une nouvelle société caractérisée par un nouveau rapport de production, mais le droit s'inspire aussi et surtout très largement de l'acte fondateur qu'est la Constitution d'un peuple, et dont la portée ne saurait être réduite à un simple rapport de force entre dominés et dominants. [...]
[...] Cependant, à l'épreuve de la réalité, cette conception du droit trouve ses limites naturelles. Ainsi, le mode contractuel d'accord des volontés est par exemple mis à mal lors de circonstances exceptionnelles On pourrait cependant émettre l'hypothèse selon laquelle ce sont les déplacements de la frontière entre sphère publique et sphère privée, au cours du temps, qui justifient cette nécessaire adaptation pragmatique du Droit. Il est à bien des égards certain que les règles instaurées par le Droit ne peuvent que s'inspirer des rapports existant préalablement entre les individus, car le droit cherche naturellement à s'adapter à la société qu'il veut réguler : ainsi, selon Léon Duguit ou Jean Carbonnier, le droit doit-il être assez flexible pour pouvoir refléter la société et s'adapter à la multiplicité croissante du réel. [...]
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