Les raisons abondent pour nous imposer de se cultiver : la famille, l'école, mais aussi les milieux socioprofessionnels exigent que nous acquérions des connaissances sans cesse plus poussées et plus diversifiées. Mais cette exigence sociale peut-elle revêtir un caractère moral c'est-à-dire une exigence à visée universelle ? Est-ce un devoir pour l'homme d'être cultivé ?
Une telle question peut surprendre. En effet, être cultivé relève à première vue d'un processus individuel d'acquisition de connaissances (domaine théorique), tandis que la notion de devoir relève du domaine de la morale et vise la réalisation du bien (domaine pratique). De plus, l'homme se cultive nécessairement au contact d'une culture singulière : la culture est d'abord un milieu dans lequel on baigne, qui se caractérise par un ensemble de pratiques instituées, de coutumes, de représentations... En ce sens, tout être humain apprend nécessairement à se cultiver. Seuls certains hommes, tels que les scientifiques et les philosophes, décident librement de consacrer leur vie entière à la recherche de la connaissance ; mais il semble s'agir là davantage d'un choix de vie personnel qu'une exigence morale que tout homme devrait s'imposer.
Il s'agit alors d'examiner avec plus de sérieux l'expression "être cultivé", en se demandant si elle se réduit seulement à l'acquisition quantitative de connaissances reconnues et qualifiées comme tel par une culture donnée. La définition humaniste du terme nous amène à envisager une définition plus universelle, par laquelle l'homme apprend à développer ses compétences rationnelles non seulement pour acquérir des connaissances mais pour bien juger et bien agir. Dans cette perspective, être cultivé renvoie davantage à une exigence morale (développer son humanité et notre humanité) qu'à un intérêt personnel ou à une injonction sociale (s'intégrer dans la société). Nous pouvons alors nous demander : être cultivé n'est-il pas la condition de la moralité et donc un devoir pour accéder à son humanité ? Mais suffit-il d'être cultivé pour en faire bon usage, c'est-à-dire pour agir humainement ? Ainsi, à quelles conditions être cultivé peut-il être considéré comme un devoir moral pour tout être humain ? Notre développement s'attachera à répondre successivement à ces questions (...)
[...] Ainsi, dans cette perspective, l'homme peut aussi chercher à se cultiver uniquement dans le but de "briller en société", pour attirer la convoitise et l'admiration, et non dans un souci de perfectionnement intellectuel et moral. Si être cultivé est la condition de la moralité, c'est aussi par le développement de ses compétences rationnelles et des savoirs que l'homme peut retomber plus "bas que la bête même" nous dit Rousseau. Ce qui importe alors pour vivre humainement, n'est-ce pas de faire bon usage de sa culture ? III/ C'est alors un devoir pour l'homme de faire bon usage de sa culture, c'est-à-dire de ses connaissances et de ses compétences. [...]
[...] Nous pouvons alors nous demander : être cultivé n'est-il pas la condition de la moralité et donc un devoir pour accéder à son humanité ? Mais suffit-il d'être cultivé pour en faire bon usage, c'est-à-dire pour agir humainement ? Ainsi, à quelles conditions être cultivé peut-il être considéré comme un devoir moral pour tout être humain ? Notre développement s'attachera à répondre successivement à ces questions. C'est un devoir pour l'homme de se cultiver. L'homme a besoin de se cultiver pour accéder à son humanité et à la moralité. [...]
[...] Quelles institutions humaines ne méritent pas d'être améliorées ? Si l'homme doit développer ses facultés, ce développement n'est jamais achevé car il ne le concerne pas lui seulement mais il est oeuvre collective : c'est une conquête à réaliser ensemble et pour tous. Être cultivé, c'est donc avant tout apprendre à devenir un homme, entretenir avec soi, le monde et les autres un rapport actif par lequel je ne fais pas que subir l'extériorité ; c'est devenir un être unique, libre, capable de manifester cette singularité par l'exercice rationnel de la pensée et autonome du jugement. [...]
[...] Mais c'est aussi, plus profondément, apprendre à être libre. En effet, être libre ce n'est pas satisfaire ses désirs et ses caprices, c'est savoir imposer une limite à ses désirs pour pouvoir arbitrer en raison. Le lieu de socialisation par excellence est l'école. À l'école, nous apprenons tout d'abord, avant des contenus de connaissance, une attitude rendant possible ce savoir, en nous libérant de la recherche de satisfaction de nos désirs immédiats. En effet, le petit enfant apprend d'abord à maitriser son corps (comme à rester assis quand il voudrait courir). [...]
[...] N'est-ce pas là la recherche de la sagesse ? Nous pouvons en effet définir la sagesse comme le recherche du bonheur et de la liberté dans la vérité (plutôt que l'erreur ou l'illusion). Si la sagesse a bien à voir avec la pensée, l'intelligence, bref avec la connaissance, il s'agit d'un savoir bien particulier qu'aucune science n'expose, qu'aucun diplôme ne sanctionne : c'est davantage une pratique qu'une théorie, une épreuve plus qu'une preuve. "Bien juger pour bien faire" disait Descartes, et c'est la sagesse même. [...]
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