De l'Esprit des Lois est une œuvre somme, « œuvre sommet » dans la carrière de Montesquieu. Création d'un génie visionnaire, qui consacra vingt ans de sa vie à son élaboration, De l'Esprit des lois se donne comme un véritable legs offert aux générations futures qui seront seules capables de comprendre toute la mesure d'un auteur en avance sur son temps et dont le système de pensée, dépasse tous les cadres et repères de son époque. Cependant, comme tout génie, Montesquieu ne fut pas immédiatement compris par ses contemporains. Ses critiques, ne profitant pas de la même curiosité intellectuelle que ce dernier, s'employèrent dès la parution de l'œuvre à dénoncer cette nouvelle « méthode comparative », qui ne correspondait pas aux goûts d'une époque nourrie au cartésianisme et à la rigueur de la déduction. Comme le souligne Catherine Larrère dans l'Actualité de Montesquieu, le dessein de l'auteur des Lettres persanes est de rompre avec une « systématicité philosophique » qu'il juge incapable de saisir une réalité protéiforme et qui, par sa volonté d'un ordre absolu, et son besoin de catégorisation rigide, répond plus à des besoins de l'esprit qu'à la réalité des choses. Montesquieu semble en effet avoir voulu prolonger la portée de la révolution scientifique opérée par Newton et Galilée, qui avaient compris l'importance de ce sol premier face au domaine des idées, en l'appliquant aux sciences humaines, créant par là même un « droit expérimental » (Althusser). Ainsi, le « désordre » de son œuvre, se donne à la manière d'un laboratoire scientifique, comme la récréation de ce magma hétéroclite que sont les institutions humaines, les différents droits, qui se représentent ici dans toute leur complexité. Cependant, et c'est là semble-t-il que réside toute l'innovation de Montesquieu, ce dernier ne se satisfait pas de cette récréation, il tire du scientifique jusqu'à sa volonté de remonter aux principes premiers qui dirigent le monde. C'est seulement à travers ce désordre expérimental, que l'écrivain peut adopter une vision « surplombante » et appréhender en étudiant les variations de ces religions, en rapport avec les diverses juridictions dans le monde, les liens qui inscrivent cette réalité dans une vaste composition dont l'ensemble atteindrait à la vérité, aux principes universels. Mais le dessein de cette œuvre consiste-t-il seulement en cette recherche de principes scientifiques universels, ou doit-on y voir, bien plus loin, l'œuvre d'une pensée qui se créée et s'organise dans une tension perpétuelle, dirigée vers la recherche métaphysique d'une transcendance qui se donnerait dans un Esprit des lois supérieur ?
[...] Cependant, comme tout génie, Montesquieu ne fut pas immédiatement compris par ses contemporains. Ses critiques, ne profitant pas de la même curiosité intellectuelle que ce dernier, s'employèrent dès la parution de l'œuvre à dénoncer cette nouvelle méthode comparative qui ne correspondait pas aux goûts d'une époque nourrie au cartésianisme et à la rigueur de la déduction. Comme le souligne Catherine Larrère dans l'Actualité de Montesquieu, le dessein de l'auteur des Lettres persanes est de rompre avec une systématicité philosophique qu'il juge incapable de saisir une réalité protéiforme et qui, par sa volonté d'un ordre absolu, et son besoin de catégorisation rigide, répond plus à des besoins de l'esprit qu'à la réalité des choses. [...]
[...] C'est à l'esprit qui surplombe le terrain de l'observation empirique que revient le rôle d'agencement et d'explication des phénomènes. L'intérêt de ce désordre apparent serait justement d'être propice à retranscrire l'observation insulaire Cette raréfaction du style nous donne à voir l'atomisation première du savoir empirique. Ainsi, Montesquieu par ce désordre apparent, nous plonge dans l'observation empirique malgré nous, et nous confronte aux difficultés qu'il a rencontrées dans sa démarche. Cependant, il serait trompeur de réduire cette méthode empirique au constat d'un simple chaos. [...]
[...] Pour saisir ces phénomènes et ces liaisons, dirigées par cet Ordre suprême, encore faut-il pouvoir les voir. Conscient de sa capacité hors du commun, à inventer un système d'explication, à combler les vides, les insuffisances de l'univers dans lequel il vit, à appréhender les structures mêmes d'un cosmos qui prend forme dans son esprit, à mesure de comparaisons, Montesquieu désire par son œuvre, nous offrir une voie d'accès à cette quête métaphysique. Le projet de Montesquieu en ce sens, est d'un tout autre ordre. [...]
[...] Quand chaque seigneur faisait en France la guerre ou la paix, la religion donna des trêves, qui devaient avoir lieu dans de certaines saisons. Particulièrement vivifiante, la comparaison par, toutes ses déclinations présentes dans l'œuvre, permet d'instaurer une véritable dynamique. La réflexion sur le pouvoir religieux dans les Livres XXIV et XXV, et sur son interaction avec le pouvoir politique est l'occasion pour Montesquieu de se placer depuis ce point de vue scientifique tant recherché : Comme dans cet ouvrage je ne suis point théologien, mais écrivain politique, il pourrait y avoir des choses qui ne seraient entièrement vraies que dans une façon de penser humaine, n'ayant point été considérées dans le rapport avec des vérités plus sublimes. [...]
[...] Ce refus de la cohérence semble même promulgué par l'auteur comme un moyen d'entraîner ses lecteurs dans sa réflexion, de le faire participer, et raisonner. En préservant le lecteur de l'ennui, en omettant volontairement des détails cruciaux, Qui pourrait tout dire sans un mortel ennui ? l'auteur force ainsi le lecteur à se plonger dans l'incohérence de l'observation expérimentale, et le laisse suppléer les idées intermédiaires, volontairement omises. Participant d'une esthétique du Je-ne-sais-quoi, déjà annoncée par Marivaux, l'œuvre se développe sans structure apparente, au gré de la plume de l'auteur. [...]
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