L'opinion commune porte des jugements contradictoires sur le développement technique. Elle s'émerveille devant certaines réalisations spectaculaires, mais elle en redoute telle ou telle retombée. Elle pense que le progrès technique peut libérer l'homme, mais elle craint les machines qui pourraient, sinon se révolter contre leurs auteurs, du moins finir par les soumettre à leur logique. Le problème se pose donc de savoir si l'humanité est, ou non, menacée par ses propres inventions. Le développement technique, au lieu d'avoir pour conséquence une libération des hommes, peut-il être un facteur d'esclavage ?
[...] Mais celles-ci ont-elles bien réalisé le projet libérateur annoncé par Descartes ? L'inauguration de la machine-outil à la fin du XVIIIème siècle inaugure une révolution dans la manière de produire, dont les effets se font toujours sentir. La machine à vapeur fournit une énergie qui, pour la première fois, peut remplacer systématiquement la force musculaire pour limer, fraiser, aléser, scier, percer, etc . L'introduction de moteurs à énergie de plus en plus transformée (on passe peu à peu du bois et de la houille au pétrole, à l'électricité, à l'atome) prolonge et étend les conséquences de la première révolution industrielle. [...]
[...] Toutefois le développement technique est également associé à diverses formes d'esclavage. L'application des machines est contemporaine d'une aliénation nouvelle, qui prend plusieurs formes. Etre aliéné, c'est être dépossédé de la maîtrise de soi, de son propre travail, se trouver sous la dépendance des forces autres étrangères (en latin alius, alienus). S'il domine la machine, l'homme est aussi dominé par elle : il soumet ses gestes productifs à la rationalité de celle-ci. La division du travail qui accompagne le machinisme subordonne le travailleur aux conditions mécaniques de la production, aux mouvements de la machine, puis aux impératifs du développement technologique lui-même. [...]
[...] Le développement technique et notre manière de penser aujourd'hui ne peuvent être tout à fait séparés. Les idées de notre époque, et jusqu'aux idées que nous nous faisons de la pensée humaine, sont liées à la pensée technicienne qui se déploie dans notre culture. Mais est-ce le développement technique qui détermine la pensée et menace sa liberté, ou bien, inversement, ce développement technique, qui ne serait pas en soi inévitable, a-t-il été rendu possible par une certaine définition de la pensée, définition qui reste largement impensée ? [...]
[...] Le développement du machinisme industriel, enfin, s'est produit historiquement dans le cadre d'une économie capitaliste. Marx nomme exploitation l'aliénation qui fait dépendre le prolétaire du capitaliste, ce dernier achetant la force de travail du prolétaire comme une marchandise et en extrayant une plus-value invisible. En ce sens, la maîtrise croissante de la nature grâce aux techniques s'accompagne d'une servitude croissante des hommes, aliénés par d'autres hommes. Hors du travail, aujourd'hui, ne signifie pas hors de l'univers technique, puisque la technique fait partie de notre univers quotidien. [...]
[...] Le développement technique peut-il être un facteur d'esclavage ? L'opinion commune porte des jugements contradictoires sur le développement technique. Elle s'émerveille devant certaines réalisations spectaculaires, mais elle en redoute telle ou telle retombée. Elle pense que le progrès technique peut libérer l'homme, mais elle craint les machines qui pourraient, sinon se révolter contre leurs auteurs, du moins finir par les soumettre à leur logique. Le problème se pose donc de savoir si l'humanité est, ou non, menacée par ses propres inventions. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture