Jean Damascène considérait que les planètes « sont causes de nos diverses complexions, comportements et dispositions », c'est-à-dire que les hommes étaient déterminés par les astres se mouvant dans les sphères célestes ; cette détermination semble totale dans le sens où elle touche aussi bien la constitution physique des êtres, que leurs caractères et leurs actions. Ce père de l'Eglise n'était pas le premier homme à accorder une influence réelle aux astres sur la vie du monde terrestre, en effet, Alain de Libéra nous fait remarquer, dans Penser au Moyen Age , que l'astrologie, tout comme l'alchimie et la magie médiévales étaient un héritage de l'hermétisme, dont les plus anciens écrits remontent au troisième siècle avant notre ère, on ne peut donc pas dire que le Moyen Age ait vu naître l'astrologie, cependant cette pratique qui consiste à déceler dans le mouvement des planètes perçu depuis la terre (c'est-à-dire d'un point de vue géocentriste), le signe et la cause des actions humaines a fait l'objet de débats au sein de l'Europe chrétienne notamment. En effet, considérer que les hommes, qui sont, d'après les enseignements de l'Ecriture, des êtres libres, sont assujettis à une causalité qui leur est supérieure revient à nier l'idée selon laquelle Dieu a créé l'homme à son image, car on admet que Dieu a donné naissance au monde dans un acte de liberté ; ceci peut impliquer deux conséquences : Dieu n'aurait pas accordé la liberté à la créature, ou alors Dieu lui-même ne serait pas libre. Ces deux positions sont évidemment hérétiques, mais elles peuvent être déduites de certains textes médiévaux sur lesquels nous nous pencherons.
Prétendre faire une étude du déterminisme astral et de ses conséquences sur toute la période médiévale étant un trop vaste projet, je me concentrerai sur les périodes des XIIè et XIIIè siècles c'est-à-dire, plus précisément, sur le système d'Avicenne qui nous permettra de comprendre comment on peut concevoir une influence déterminante des corps célestes sur le monde sublunaire, pour voir, ensuite comment cette théorie a été reçue par les Chrétiens, et réfutée par des hommes comme Thomas d'Aquin.
On pourra remarquer au cours de ce travail à quel point astronomie et astrologie étaient liées au Moyen Age, la première a en effet servi la seconde en lui offrant des cartes très précises du ciel et des éphémérides, ce lien entre les deux domaines a favorisé la défense de l'astrologie comme science et a posé une difficulté car les astronomes reconnaissaient, eux aussi, une certaine influence aux astres, mais sans vraiment la délimiter, ce qui pouvait laisser présager que celle-ci était déterminante absolument. Cette difficulté est présente chez Avicenne, nous le verrons mais aussi chez les penseurs chrétiens, alors qu'on pourrait supposer que pour défendre la liberté ils rejetaient en bloc le moindre déterminisme, Thomas d'Aquin même s'il a lutté contre la nécessité qui semblait imposée à l'homme par le mouvement des corps célestes, reconnaît à plusieurs reprises leur influence sur le monde terrestre. Avant d'aborder cet auteur il nous faut essayer de définir, autant qu'il est possible cette notion de « déterminisme astral », et de comprendre comment il peut être déduit du système avicennien.
[...] Selon l'ordre des causes habituel, les eaux de la mer ne peuvent se séparer en deux pour offrir un passage à des hommes en fuite, or la Bible nous mentionne que ceci a existé, Dieu a à cet instant dépassé l'ordre des causes, lui seul le peut, car c'est lui qui gouverne cet ordre. Cependant ces considérations rejetant un déterminisme absolu des astres qui feraient de Dieu un être dépendant des causes qu'il a lui-même créé (ce qui limiterait sa puissance), ne semblent pas empêcher l'idée que les corps célestes, qui font partie de ces causes secondes, soient en dehors des miracles, ce qui détermine la matière à une certaine existence. Si Dieu est libre, peut-on en dire autant de l'homme ? [...]
[...] Cette difficulté est présente chez Avicenne, nous le verrons, mais aussi chez les penseurs chrétiens, alors qu'on pourrait supposer que pour défendre la liberté ils rejetaient en bloc le moindre déterminisme, Thomas d'Aquin même s'il a lutté contre la nécessité qui semblait imposée à l'homme par le mouvement des corps célestes, reconnaît à plusieurs reprises leur influence sur le monde terrestre. Avant d'aborder cet auteur il nous faut essayer de définir, autant qu'il est possible cette notion de déterminisme astral et de comprendre comment il peut être déduit du système avicennien. [...]
[...] Si Thomas reconnaît que la majorité des hommes ne résistent pas, il affirme cependant qu'ils en ont la possibilité, le seul fait que cette possibilité existe nie alors la nécessité du déterminisme astral. Mais Thomas va plus loin dans le chapitre suivant en remettant en cause la nécessité même de l'influence des corps célestes sur les corps du monde sublunaire, chose qu'il semblait pourtant avoir admise dans les chapitres précédents. En fait, il s'agit, encore ici, de rejeter la possibilité d'une thèse qui verrait dans les astres une cause déterminante : il développe ainsi une argumentation proche de celle d'Avicenne dans le premier chapitre du livre dix de La métaphysique du Shifa, lorsqu'il s'oppose à l'idée que l'astrologue puisse faire des prédictions sur l'avenir. [...]
[...] Si les âmes étaient elles aussi déterminées par les astres elles agiraient naturellement et non par un acte d'intellection, l'homme ne serait donc plus libre, mais soumis comme les animaux à un instinct naturel, ce qui est inconcevable. Thomas invoque encore une fois le philosophe pour appuyer son propos : l'homme est un animal politique ou social or si ses choix étaient déterminés par les corps célestes la vie en société lui serait impossible, en effet ce sont des lois qui règlent la vie des hommes en société, celles- ci n'auraient aucune influence sur eux s'ils étaient absolument déterminés par les corps célestes, par conséquent la vie sociale ne pourrait plus exister. [...]
[...] Les astrologues du Moyen Age, grâce aux instruments développés par les Arabes, qui se propagèrent ensuite en Europe, purent situer les planètes et leurs situations dans les constellations de façon précise et en tirer des conjectures. Ainsi, l'astrolabe, un instrument permettant d'obtenir, à une latitude donnée, une représentation plane du ciel à une date précise, devint très populaire et se répandit au-delà des milieux savants, une explication pour une utilisation simple accompagnait les astrolabes[4], et chacun grâce à cet instrument ou à une éphéméride pouvait en connaissant la position des planètes avoir une idée de l'influence des corps célestes sur le monde terrestre. [...]
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